segunda-feira, 1 de agosto de 2011

LE FUTUR CORPS DE BENOÎT

JOSÉ ENDOENÇA MARTINS

1. VIEU BENOÎT

(16/05/07)

«J’ai besoin d’un nouveau corps, » dit-il avec la sériété de son âge, et la conscience de sa profession. À ce moment-là, Benoît fêtait ses soixante ans et la quarentaine comme professeur. « Ce corps qui soutient le fardeau de mes années, le poids de mes os rachitiques et la débilité de ma chair vieillie me fatigue déjà. J’en veux un autre. Si je veux passer mes trente prochaines années, j’ai besoin d’un autre corps.»
«Ton corps est encore for, » lui dit quelqu’un dans le groupe d’amis qui fétaient avec lui.
«Mais non, Benoît, tu ne vas jamais mourir, » lui dit un autre.
Benoît suivait avec son discours de conscience physique, leur disant que ce corps qui l’avait protégé ou qui lui avait manqué quand il en avait le plus besoin, était fini, kaput, qu’il ne l’aimait plus et ne le voulait plus.
«Comment sera-t-il, ton nouveau corps, » lui demanda sa femme Bertilia. «Comment va-t-elle être, cette apparence physique qui va t’accompagner jusqu’à tes derniers jours ? » Insista Bertilia. Elle voulait qu’il soit un peu plus explicatif, pour le provoquer.
« Comme le poème que j’ai écrit.». C’est un poème court et Benoît le connait par coeur. Il leur a dit, lentement, avec la conscience de ce que les mots poétiques signifiaient à ce moment crucial de sa vie.

Le corps est où je vis de soleil à soleil.
Je suis l’appât. Il est mon hameçon.

Benoît l’a recité, en regardant l’audience avec des yeux tranquilles.
«Je ne te comprends pas, Benoît, » dit un physicien qui n’aimait pas la pêche artistique. «Explique-moi. »
«C’est simple, mon bon physicien. C’est le corps poétique, pas le médical, que je cherche. C’est le corps qui va unir la poésie et la médecine, mais c’est la poésie qui va décider comment la médecine va entrer dans tout cela. »
Les amis sont restés là un peu plus, faisant des commentaires sérieux et des blagues sur le projet corporel de leur hôte et son désir d’une nouvelle existence qui serait physique, medicale, poétique et, qui sait, rien transcendente ne devrait êre exclu. Quand tous sont partis Benoît s’est dirigé vers sa chambre, son corps poétique fêtait la vie prochaine qu’il vivrait. Pendant le bain, sentant la chaleur de l’eau qui jouait avec sa peau noire, doucement comme si son nouveau corps était déjà là, lui donnant la sensation d’une éternité temporaire, qui ne pouvait pas dépasser les quatre-vingt-dix, il répétait un autre poème qu’il avait écrit quand sa jeunesse ne lui prometait pas cette décadence physique qu’il portait comme une infirmité qu’il voulait rendre réversible (Ici).

Ce que le corps te demande
Donne-lui.
Soit un bon comparse
et ce que le corps te demande
fais-le. .

Il répétait ses vers au rythme du movement que l’eau faisait en répétant sa douceur humide sur son corps vieilli. Qu’est-ce qu’il pourrait donner à son corps qui a vieilli avec lui pendant ces soixante années qu’il ont soufferts ensemble ? Benoît ne le savait pas encore.
Quand Bertilia est venue pour lui faire compagnie Benoît dormait déjà, profondement. Si sa femme prêtait plus attention elle pourrait se rendre compte qu’il rêvait, que dans son rêve, un jeune homme lui faisait la proposition la plus impensable. « Tu me donnes ton succès profissional et ton écriture et te donnerai mon corps fort avec sa jeunesse, encore intact, » dit-il à Benoît. Il l’a accepté et l’a vécu avec la joie et l’urgence que le cas demandait, jusqu’au moment où il a étê réveillé par le bruit que Bertilia faisait.
«Tu ronfle ma chérie et tu as interrompu mon rêve.»
« Je ne ronfle jamais,» réagit Bertilia. «Nous, les femmes, nous ne ronflons jamais. Cela nous rendrait trop humaines... comme vous.»
«Ne t’inquiete pas, mon bébé, personne ne va jamais savoir que tu ronfles comme Tea Cake et Aimé », lui dit-il, voulant la consoler.
Comme d’habitude, Benoît s’est reveillé a six heure ce matin-là, avec une seule pensée : ce serait le matin où il commencerait à préparer sa nouvelle vie. Comment ?, il n’était pas sûr. Il savait qu’il aurait seulement trente années encore et qu’il avait décidé de les reprendre dans ses mains pour les vivre à sa propre manière. Ce que cela signifiait n’avait aucune importance.

(23/05/07)

Comme il a fait pendant toute sa vie, Benoît s’est dirigé vers la cuisine et s’est assis du côté droit sur sa chaise préférée. Pendant quelques secondes il a pensé sur ce qui serait son premier changement dans ce premier jour du reste de sa vie. Il a décidé qu’il ne lirait plus des livres. Tout ce qu’il voulait c’était un changement radical et il ne pouvait pas répéter les actions passées. Pendant ses soixante ans il avait lu des livres, tous les jours, tous les matins et il avait fait de la lecture matinale une dévotion enthousiasmée. Dès les premières années au séminaire franciscain la lecture des livres était dévenue sa première nourriture. Il l’avait déjeuné comme si c’était son café au lait, imperdable.
«Pour ton âme, et ton esprit, » lui avait dit le frère qui surveillait sa vocation.
Benoît avait accepté la lecture et les livres comme des choses vitales, desquelles il ne pouvait pas et ne voulait pas se séparer. La séparation serait comme la mort d’une chose essentielle.
Jusqu’à ce matin-là, Benoit avait fait la lecture comme un rituel avec une méthode et un contenu spécial : un livre en français, un autre en anglais, le troisième en espagnol et le dernier en portuguais. Il leur avait dédié quatre heures de ses matins, une heure à chaque livre et langue, jusqu’à dix heures, quand il s’arrêtait pour préparer le petit déjeuner qu’il partageait avec Bertilia. Il avait tellement lu qu’après des années de pratique systématique il ne savait plus s’il lisait à cause des histoires ou des contenus, ou pour les langues. Il avait aimé les langues, bien sûr, et il les aime encore, sans aucune doute. Au séminaire il avait aussi des livres en latin et en grec. Mais il les avait abandonnés, les langues et leurs livres quand il a décidé qu’il n’avait rien à offrir à la vie religieuse que sa mère avait préparé pour lui. Dans le monde séculaire qu’il avait embrassé, le latin et le grec n’avaient aucun sens utilitaire. Ils étaient devenus pour lui et pour les autres des langues mortes, et il ne voulait pas être contaminé par la mort, réelle, imaginaire ou linguistique.
«Rien avec la mort » se disait-il. «J’ai besoin de vivre, de vivre, simplement. »
Le latin, il l’avait maintenu, indirectement, à travers le français, l’espagnol et le portuguais. Mais pour le grec, rien. Il ne voyait rien de grec dans la langue de Shakespeare, qu’il avait découvert quand il avait écrit un bon texte qui avait éveille l’admiration de ses professeurs et ses camarades de cours.
Hier encore, il avait lu Femme Nue Femme Noire, de Calixthe Beyala, Tar Baby, de Toni Morrison, Nuestra Señora de la Noche, de Mayra Santos-Febres, et Ponciá Vicencio, de Conceição Evaristo. Les vies de ces femmes noires dans leurs langues et leurs pays l’avaient enthousiasmé beaucoup.
« Pourquoi tu lis les femmes plus que les hommes ? » lui demandait toujours Bertilia quand elle prenait le petit-déjeuner avec lui, toutes lectures déjà faites.
«Pour toi, mon bébé, » lui disait-il, lui passant le pain, le café ou le lait. «Tu m’inspires, toujours, tu es mon inspiration. »
«Tu plaisantes,» lui disait-elle. «Tu n’es pas sérieux.»
Il avait toujours été sérieux avec elle, beaucoup. Il n’avait jamais plaisanté avec elle. Mais non, il avait déjà plaisanté, un peu seulement, parce que, à vrai dire, sa grande inspiration avait toujours été sa mère, qu’il avait toujours admiré à cause de sa force et sa ténacité. Jusqu’à sa mort il l’avait aimée. Même quand elle n’avait pas réussi à survivre à la sclérose en plaques qui l’avait réduite à un petit morceau de chair humaine – elle avait, alors, fêté ses quatre-vingt-quatre ans – sans savoir ce qu’elle disait, complètement sclérosée, il avait admiré sa maman. Et il avait la conscience qu’il avait bien fait de l’aimer. Mais tous ses souvenirs étaient passés, il fallait marcher vers le futur, sans hésitation, sans arrêt.
«Je vais marcher un peu dans la rue, » dit-il à Bertilia qui n’avait pas encore terminé son petit-déjeuner.
«Où ? » Elle ne croyait pas qu’il était si décidé comme il avait promis hier soir.
« Je ne sais pas. Marcher, j’espère.»

(30/05/07)
Le soleil dans la rue l’a reçu avec la douceur de sa chaleur matinale et Benoît a expérimenté la même sensation qu’il avait senti la veille pendant le bain, après la fête. Il s’est laissé mener par cette caresse du soleil, sans résistence. Jaracumbah, la banlieue où il habitait, était complètement déserte, personne n’étail là. Il marchait seul, toute la rue à lui, à son vieux corps. Le jeunes étudiaient dans l’école et les adultes travaillaient. Il a marché à la saveur de la nouvelle vie qu’il voulait mais qu’il ne savait pas où elle était, l’attendant. Il fallait la trouver. Ce manque le fesait continuer.
«Je suis venu pour l’équilibrium, » dit-il à la jeune secrétaire de la gymnastique qui l’a réçu avec un sourire. Les yeux souriants de la jeune fille l’ont fait parler. «Je suis un vieux qui ne veut pas mourir, J’ai le plan de vivre avec plaisir, joie et jouissance les trentes ans qui me restent. Tu peux me donner cela ?»
« Mais, oui, monsieur. » Elle a pris une brochure et la lui passé. «Pour la vie que tu veux tu a besoin d’un autre corps et cela nous pouvons te donner. Ton corps, nous allons le transformer complètement. » Tandis qu’elle expliquait les services qu’elle lui promettait, elle montrait les corps des hommes dans la brochure. C’étaient des corps forts qui portaient la définition que les exercices leur avaient propicié après des années de pratique quotidienne, sans arrêt. Benoît les examinait avec attention, en imaginant comment serait le sien s’il pouvait couvrir sa vieille carcasse avec leur vitalité corporelle, physique.
« Regarde ce jeune homme-là, » lui dit-elle. « Avant il était très vieux, maintenant, regarde comme il est devenu jeune. Tu peux voir qu’il a rajeuni de trente ans.
«Oui, c’est vrai,» lui dit-il, avec joie. «Je peux constater toute sa transformation. C’est un corps comme ça que je veux. Tu vas me le donner ?
« Sans aucun doute. »
«Tu promets ? Je veux rajeunir aussi, beaucoup.
«Aujourd’hui, si tu veux.»
« Qu’est-ce que je dois faire ?
« Pratiquer avec nous. » Elle l’a pris par la main et l’a conduit au grand salon qui se trouvait arrière sa porte. Quand elle l’a ouverte, Benoît a été fasciné par l’enthousiasme physique qui l’a reçu. Il a vu des miroirs sur les quatre murs et devant eux il a vu des hommes et des femmes qui faisaient leurs exercices et qui en même temps se regardaient pour constater si leurs corps avaient gagné les measures et les muscles qu’ils voulaient. Il a vu des corps mouillés par la sueur qui coulait de leurs cheveux, couvrait leurs yeux, mouillait leurs chemises et shorts, leurs pieds et le sol. Il a vu des agrès qui, montant et descendant au rythme régulier de leurs mains et bras n’arrêtaient pas leurs mouvements. En regardant tout cela, Benoît a été enchanté par cette énergie que ces corps libéraient avec des mouvements précis qui se répétaient, sans arrêt.
« C’est tout ce que je veux pour moi, pour mon corps,» lui dit-il.
« Alors, viens pratiquer avec nous.»
Dans la rue, le soleil du matin réchauffant son corps, Benoît a eu la sensation qu’il avait commencé à rajeunir déjà. Il a commencé à toucher ses bras, sa poitrine et ses jambes pendant qu’il se dirigeait chez lui pour le déjeuner. Il a bien mangé, la salade lui a fait du bien.
« La viande, tu ne vas pas la manger ? » lui demanda Bertilia.
« Mais non, elle me fera du mal. J’ai besoin d’une nourriture saine. »
« Mais tu l’aimais beaucoup, ma viande grillée.»
« Oui, c’est vrai. Je veux vivre, ma chérie, je ne veux pas mourir. »
L’après midi, ils sont allés à la Fac. Les deux ensemble. Benoît a passé les heures devant son ordinateur, en continuant son travail sur les écrivains noirs, la recherche qu’il faisait depuis des années. Il a pris Aimée, le roman qui a donné à son auteur le Nobel de Littérature, 1993, avec lequel elle est devenue la première écrivaine noire qui l’a reçu. Benoît a ouvert le bouquin de Toni Morrison à la page qu’il cherchait. Dans cette page, il a lu les mots que la vieille éducatrice adressait aux gens qui étaient là-bas pour entendre sa leçon sur le corps noir. Comme à chaque nouvelle lecture, il a été touché par ces mots: « Ici, ... dans cet endroit, nous sommes corps ; le corps qui pleure, qui rit ; le corps qui danse, pieds nus.» Pendant quelques secondes il a pensé sur ces gens qui sont allés à cette clairière-là pour l’écouter, et il a décidé qu’ils étaient plus heureux que lui. Il n’avait pas la chance de rajeunir sa vie avec les mots sages d’une orientatrice si expérimentée et connaisseuse. Sans ces mots il devait passer par les exercices physiques s’il voulait rajeunir. Rajeunissement spirituel ou physique, il avait déjà pris sa décision.

(13/06/07)
Il a comparé les mots d’amour au corps noir que Baby Suggs avait dit avec les mots de son personnage féminin qui détestait la couleur et les traces physiques de son corps noir. Quelle différence, il pensait. Quelle différence d’attitudes envers le corps noir. Il pouvait résumer les émotions que Baby Suggs sentait pour le corps de son peuple avec ses propres mots. Love it. Love it hard. Les mots sont venus comme ça, en anglais même, pas en portiguais, espagnol, ou français. Il les a répétés à haute voix. Love it. Love it hard. Dans son meilleur anglais.
«Quel est le problème, Ben ? Lui demanda le professeur qui partageait la salle avec lui.
«Rien,» lui dit-il. Il partageait déjà le bureau avec cet homme-là, et il ne pouvait rien faire pour changer cela. Mais partager ses émotions plus personnelles et raciales, ah, cela serait trop.
«Love, Ben, tu parles de love, love à qui, à quoi,» insistait son camarade.
«À rien, à personne.»
«Bien, j’aime beaucoup parler de ce sujet. Love, l’amour, amor, amore, peu importe à quoi, ou à qui, toujours m’attire,» lui dit-il. «Mais moi, je te comprends. Ben, si tu ne veux pas parler de tes sentiments, je te laisse seul.»
Le professeur est revenu à ce qu’il faisait. Benoît a pris sa pièce de théâtre, où il voulait trouver les mots de son personnage pour le comparer avec ceux de Baby Suggs. Bertilia était son nom. Il lui a donné le même nom de sa femme. Trinta anos tentando dar um jeito nesta negra e vê no que me transformei: um monstro negro. Il est devenu terrifié quand il a écouté ces mots. Il ne se rappelait plus de la cruauté des ces mots. Il les avait mis dans la bouche de Bertilia que les disait avec ce type de fureur qui domine les noirs qui ne peuvent pas ou ne savent pas comment ils vont casser les chaînons qui les emprisonnent dans un corps sans valeur ni utilité. Il les a lus de telle sorte que le professeur puisse les entendre et donner une réponse.
«Quel est le problème, Ben ?» Le camarade a répondu promptement. «Premièrement tu dis quelque chose sur l’amour en anglais, maintenant tu parles de la noirceur comme s’il s’agissait d’un monstre. » Benoît est devenu content parce le professeur n’avait pas compri la gravité de la situation.
«Rien,» lui dit-il.
Benoît ne voulait pas partager avec cet homme-là les deux alternatives qu’il avait. Quel corps préférait-il? Celui qui l’invitait à l’amour physique de Baby Suggs, ou celui qui le séduisait dans la monstruosité corporelle de Bertilia ? Il a été sauvé par le temps. Comme il était déjà six heures, au lieu de déchiffrer son dilemme il a décidé d’effacer le problème de son sprit et a éteint son ordinateur. Il a pris ses livres et est sorti sans rien dire au professeur. Benoît est allé à son cours de Littérature Afro-Americaine avec les étudiants de langue anglaise.
«Good-Evening, everybody,» leur dit-il.
«Prof, nous voulons vous dire quelques mots avant de commencer,» l’interrompa le leader du groupe.
C’est quand il s’est rendu compte que d’autres professeurs étaient là aussi. Pendant quelques secondes il a été surpris.
«Alors, je sais tout ce qui se passe ici, » leur dit-il. Il a regardé la directrice, le coordinateur, le chefe du département de Portuguais et le chef du département d’anglais, fixement, dans leurs yeux. «Cela s’est déjà passé l’année 1995 et 1998, nous sommes en 2001, Alors ça va se répéter en 2004.» Il a fait une pause pour recouvrir sa pensée. «Je sais ce que vous voulez, mais non, mes chers amis et étudiants, je ne vais pas changer une virgule, un point dans ma manière d’enseigner la Littérature Afro-Américaine.»
«Ben, vous pouvez faire comme ça, » le chef de son département essaya de lui expliquer comment il devait enseigner.
«Je vous demande de sortir de ma classe, toutes les autorités, leur dit-il pour leur montrer qu’il était la seule autorité dans sa salle de classe et le seul responsable de son cours. « Alors, sortez, vous tous, vite,vite. » Il était énervé et il devait agir rapidement si- non ils contrôleraient les actions.
«Nous allons sortir avec eux, » lui dit le leader.
«Absolument pas, vous allez rester avec moi. »
Les autorités sont sorties et les étudiants sont restés. Il avait vaincu, mais il était très fatigué. Il s’est assis sur sa chaise et a attendu ce qu’il savait qui viendrait, parce qu’elle venait toujours dans des situations dramatiques comme celle-ci. La crise d’asthme l’a fait tomber sur le sol. La chute a été si forte qu’il n’a pas pu résister et il s’est évanoui. Son âme a voyagé dans le passé quand il avait huit ans, et tous ses problèmes de santé ont commencé à rendre son corps un enfer physique.

(04/07/07)
«Tu te réveilles, Benoît, finalement. Tu vis, bon Dieu.» Bertilia est là, à côté du lit qu’il occupe À l’hôpital.
«Où suis-je ? »
«Au lit de l’hôpital municipal,» lui dit-elle. « Mais tout va bien, maintenant.»
« Qu’est-ce qui s’est passé avec moi?»
«Tu es tombé malade, mais tout est bien, maintenant.» Bertilia caresse le visage de son amour. «Ton médecin a dit que tu dois rester calme et te reposer.»
Benoît prend la main de Bertilia, lui adressant un regard suppliant auquel elle ne résiste pas.
«Bien, tes amis de la fac m’ont téléfoné et m’ont dit que tu avais eu un évanouissement, qu’ils ont décidé de t’amener ici.»
« Et pourquoi l’évanouissement ? »
« Tout s’est passé dans ta salle de classe, mais personne n’a rien dit sur la cause de ta maladie.»
« C’est drôle, parce que je ne me rappelle de rien.»
«Je suis venue te voir tous les jours, ça fait déjà une semaine ?»
« Une semaine ? »
« Oui. Je suis venue les matinées, les après-midi. Je parlais avec toi. Tu m’entendais, mon bébé?»
« Je ne sais pas, je ne me rappelle de rien, mon ange. De quoi tu parlais ? »
«De tout, de toi, moi, nous. »
« Et pourquoi tu parlais de tout cela ? »
«Pour te maintenir lié à ta vie. J’avais peur que tu meures. »
Bertilia s’assoit sur le lit et l’embrasse fort. Il aime beaucoup cette démonstration de tendresse de sa Bertilia. Il l’embrasse aussi. Pendant quelque temps ils restent comme ça, comme s’ils étaient une seule personne.
«J’ai un nouveau corps à me donner, et je ne peux pas mourir, pas maintenant, avant de l’avoir. »
Ce matin-là il décide qu’il ne peut pas continuer à l’hôpital, qu’il veut rentrer chez lui. Bertilia passe au médicin le désir de son mari. L’après-midi le médecin vient lui dire qu’il est libéré. Bertilia l’installe chez eux et demande à ses amis de rendre une visite à Benoît. Le jours qui suivent ils viennent, les amis. Ils parlent de tout, des maladies, des classes, des étudiants et de la fac. Mais personne ne veut pas parler des événements du jour où il est tombé malade. C’est un sujet interdit.
«Tout ce que tu dois faire maintenant c’est oulbier tout-ce qui s’est passé et essayer de te retablir pour reprendre tes cours,» lui disent-ils.
Le deuxième jour qu’il est installé chez lui une jeune fille vient le voir.
«Une jeune fille veut te voir.»
« Une jeune femme ? »
« Oui, tu vas la recevoir?»
« Je ne sais pas. Qui est-elle ? Tu la connais ? » Bertilia lui donne la carte de visite de la jeune femme.
«Equilibrium Gymnastique,» lit-il à haute voix. Bertilia est surprise et demande qu’il lui donne la carte.
«Equilibrium Gymnastique,» elle répète le nom. «Qu’est-ce que tout cela signifie, mon amour.»
«J’ai besoin d’un nouveau corps, un corps de bonheur, pour controler ce corps de maladie qui m’accompagne depuis dèjà soixante ans. »
«Et c’est cette jeune fille qui va te donner ce corps ? »
On peut voir une petite évidence de jalousie dans les mots de Bertilia. Benoît la sent aussi, mais il ne veut pas que sa femme souffre avec sa décision.
«Reste tranquille, mon amour. Je cherche un corps, pas une femme. » Il fait un mouvement avec la main droîte et Bertilia s’approche du lit. «Je t’aime.» Il prend le visage de sa femme dans ses mains et la regarde dans les yeux noirs, tout ouverts. «Je t’ai aimé dans le passé et je t’aimerai jusqu’à la fin de mes jours, quand j’aurai 90 ans. »
Ces mots la rassurent.
«Qu’est-ce que je dis à la jeune fille qui est là, en attendant ?»
« Fais comme tu veux.»
Bertilia sort, et pendant qu’il est seul il se prépare pour recevoir sa visite. Il prend le petit miroir qui est sur la table de chevet près du lit. Il se regarde, et passe la main gauche sur son visage, ses yeux et cheveux.
“Benoît, je suis heureuse de te trouver en bonne santé,» lui dit la jeune sécretaire avant qu’il finisse d’être présentable.

(11/07/07)
«Tu ne peux pas dire ça,» réagit-il. Elle s’approche du lit et l’embrasse. Il reçoit son geste de caresse comme une bénédiction. Le corps ferme de la jeune il le comprime contre le sien le temps qu’il peut avant qu’elle essaie de s’écarter. Elle ne s’écarte pas. ll pense qu’il a déjà eu un coprs pareil, mais masculin. «Regardez-moi, je suis encore au lit, et ça veut dire que la maladie contrôle mon corps.»
« Mais non, tout ira mieux quand tu seras avec nous.» Il la laisse sortir de ses bras, et prend ses mains dans les siennes.
« Prends une chaise, et dis moi tout. » Elle fait comme il lui dit et commence à parler des exercices qu’il va faire à la gymnastique. Elle parle des exercices pour les bras, les jambres, la poitrine, l’abdomen, elle dit quelque chose sur l’étirement aussi. « Tu vas perdre du poids mais tu vas gagner des muscles. Des calories, tu va les brûler beaucoup. » Il l’écoute sans rien dire, c’est le son de sa voix avec toutes ses promesses qui lui fait garder le silence. « Et le mieux de tout, tu vas respirer comme il faut pour te guérir ton asthme.»
«El, alors, je serai au paradis?»
«Oui, sans aucun doute.»
«J’aurai le corps que je souhaite?.»
«Oui, le corps des corps.»
«Et ce corps me donnera trente ans de vie de plus?»
«Il va te donner quarente ans, si tu le veux. »
«Sain?»
«Comme s’il vivait dans sa première jeunesse.»
Ils se taisent comme si elle n’avait plus rien à dire, et lui plus rien à demander. C’est quand les deux en même temps, ils ont un fou de rire si fort qu’il attire l’attention de Bertilia.
«J’ai entendu votre enthousiasme et je n’ai pas pu me contrôler,» leur dit Bertilia. « À quoi on doit tout ce bonheur ?»
«Cette jeune femme m’a promis le paradis si je la suis,» lui dit Benoît.
Bertilia adresse un regard triste à son mari et après le dirige envers à la jeune. Maintenant il n’est plus triste, mais agressif. La secretaire baisse la tête.
«Je plaisante, mon chou.» Benoît sait qu’avec Bertilia il faut faire plus que lui expliquer les choses. Avec l’explication il faut mettre des actions convaincantes. «Viens ici, près de ton mari,» lui dit-il, lui indiquant avec la main l’endroit où elle doit se mettre. Bertilia lui ’obéit et fait ce qu’il lui dit. Alors, il est entre les deux femmes, chacune occupant un côté du lit, la jeune à droite, l’épouse à gauche. Il les regarde attentivement. «J’ai besoin de vous deux, mes amours», dit-il, leur addressant un sourrire que Bertilia n’avait jamais vu, et que la jeune fille n’imaginait pas qu’il avait. Les trois ont le fou de rire qui a marqué l’amitié entre eux. Ils se promettent de la cultiver.
La semaine suivante Bertilia amène le mari à Equilibrium Gymnastique pour sa première séance d’exercices.
«Je remets mon homme dans tes mains, ma petite» dit Bertilia à la secrétaire. Elle fait un signe à un jeune homme qui se trouve près de la table.
«Je remets Benoît dans tes mains, » dit-elle au professeur. «Brückermann, Benoît; Benoît, professeur Brückermann»
«Ça va ? »
« Ça va.»
«Nous sommes tous professeurs, » dit Brückermann, addressant son commentaire à tous ceux qui sont là.
Bertilia sort de la salle de gymnastique quand elle voit son mari être conduit par une porte et disparaitre derrière elle. Bückermann explique à son élève tout ce qu’il va faire avec lui : les exercices, la répétition, l’intensité et la dificulté de chaque exercice.
«Tu es prêt à commencer le corps qui va te donner 30 ans de vie de plus ? »
Brückermann le conduit à un tapis. Benoît monte dessus.
« Alors, qu’est-ce que je fais ?»
Le professeur le met à la vitesse quatre.
« Tu vas marcher seulement, pendant quinze minutes» lui dit Bruckermann. «De temps en temps je vais mesurer ta tension. Il faut la contrôler pour décider sur les pas suivants.»
Benoît marche. Le tapis roule lentement. Cinq minutes plus tard son attention est attirée par le programme qui passe à la télé qui est devant lui. Les présentateurs, une jeune femme blonde, et un jeune homme noir, parlent de la qualitéde la nourriture aux hommes de 60 ans.
«Ta tension est stable, jusqu’à présent,» lui dit son instructeur. «Marche, n’arrête pas.»
À onze heures Bertilia vient le chercher.
«À toute à l’heure,» leur dit Benoît à tous, la secrétaire, l’instructeur e les autres qui s’exercent comme lui. Après, il s’en va avec sa femme.

(01/08/07)
«Quand tu vas revenir, Benoît ?» C’est le coordinateur de la fac qui lui passe un coup de fil pour savoir s’il est prêt à reprendre ses cours. «Tous veulent te voir, savoir sur ta santé, les profs, les bons élèves. Les autres aussi.»
Les bons et les autres. Les mots résonnent dans sa tête mais il ne leur prête aucune attention. Il est excité par sa rentrée à la routine de la fac.
À dix heures il s’en va. Quand il ouvre la porte de son bureau, la surprise. Il y a plein de gens. Tous sont là, avec des sourires, des félicitations et des fleurs.
«On ne meurt pas d’asthme, jamais,» leur dit-il. «Si vous pensiez que je mourrais, je vous dis que je me sens plus vivant qu’avant.»
Il plaisante, on peut le voir. Mais tous s’approchent de lui seulement quand ils se rendent compte qu’il plaisante. Ils lui serrent la main, en disant des mots qu’on dit normalement en pareille heure.
«Au nom de mes camarades de cours,» lui dit le leader du groupe où Benoît est tombé malade ce soir fatidique. «Nous étions tous préoccupés avec ta santé, mais on peut voir que tu es mieux et ça nous réconforte beaucoup.» Le leader lui donne un bouquet de fleurs. Benoît le reçoit avec cordialité, mais sans enthousiasme visible.
«Bon, je suis très heureux avec cette réception et je promet que je serai désormais un autre prof. » Il fait une pause pour penser comment il va continuer son idée. «Peut-etre, mieux, peut-être pire. Qui vivra verra.» Tous se regardent, en silence, en essayant de découvrir ce qu’il veut dire. «Je plaisante, mes camarades.» Alors, ils sourient, en adressant leurs sourrires aux quatre coins de la salle. Seulement, le leader du groupe n’y arrive pas. « Maintenant, au travail, mes camarades, j’ai beaucoup de choses à faire. Vous comprenez, n’est-ce pas ? Je viens de reprendre ma routine de prof. » Ils sortent en lui souhaitant une bonne rentrée.
Benoît reste seul. Les profs avec qui il partage le même bureau ne sont pas là. Il branche son ordinateur, mais il ne sait pas ce qu’il va faire d’abord. Il faut préparer les cours de la sémaine, faire des recherches sur la littérature, et des choses bureaucratiques. Comme il n’a pas de cours à donner ce soir là il décide de commencer avec la bureaucratie. Il enlève de sa valise les documents que l’hôpital lui a donné et sort. Il appelle l’ascenseur et quand il arrive il prend le grand couloir central. Il est plein de gens. Les profs le saluent, il s’arrête, il parle, ils veulent savoir comment il se sent, s’il a déjà commencé ses cours, si l’hôpital étaient bon, les médecins, les médicaments, le traitement. Sur les infirmières, ils veulent savoir s’il est tombé amoureux de quelqu’une.
«Je suis un homme sérieux, marié et très honnête avec Bertilia,» il leur répond.
Quand il s’aperçoit il est déjà à la porte du bureau du personnel. Il entre et se dirige vers la table du responsable qui le reçoit avec un sourire d’ami.
« Alors, Benoît, tu es déjà rentré au travail?»
« Oui, je viens de rentrer.»
«Tes camarades profs sont ton enfer, n’est-ce pas ? »
«Pour quoi tu dis ça?»
« Tout le monde à la fac sait qu’ils ont orchestré tout ce qui a résulté en ta maladie.»
«C’est vrai ?»
«C’est ce qu’on a écouté lorsque tu étais absent. Et qu’ils ont utilisé tes élèves pour te faire du mal.»
Tout est venu à sa mémoire, la présence de toutes les autorités académiques dans sa salle de classe ce soir-là, la décision des élèves de nuir à son cours, et l’intention du leader d’abandonner la salle de classe avec ses camarades. Maintenant tout a du sens. Comment il ne s’est aperçu de rien. Il est déçu, mais il est tard maintenant pour tout changer. Il doit être fort, très fort pour ne pas tomber malade de nouveau.
«Tu as raison, comme j’ai été bête !»
« A lors, oublie tout, et dis-moi ce que je peux te faire ? »
«Je ne sais pas. J’ai avec moi des documents que l’hôpital m’a donné. Je crois que je doit te les donner.»
«Voyons, passe-les moi. »
Quand il est prêt avec la bureaucratie médicale de sa vie professionelle il reprend le grand couloir pour revenir à son bureau.

(15/08/07)
Dans le parking, Bertilia l’attend. Benoît est soulagé de la voir. Elle l’aide à monter dans leur Pallio rouge. Elle roule lentement et quand elle prend la Rue Veiga elle roule à grande vitesse.
« Alors, comment ça s’est tout passé au département ? »
« Tous se sont très bien comporté, les hypocrites,» il lui répond. «Ils ne veulent pas se préoccuper avec un malade qui revient.»
«Raconte-moi tout. »
« Pas maintenant, chérie. J’ai faim. »
Bertilia veut qu’il parle, mais Benoît ne dit rien. Ils prennent la rue Sept, mais le feu est rouge et elle s’arrête. D’un côté, le terminus de bus en face de Big et Angeloni est plein de gens qui quittent leur travail et d’étudiants qui sortent de leurs écoles. Ils vont et viennent en inondant le terminus. L’arrêt est obligatoire pour continuer leur voyage. On peut voir qu’ils sont fatigués, qu’ils courent vers quelque chose dont ils ont besoin. Dans la voiture Benoît ne sait pas ce qu’ils cherchent. Ils sont perdus et alors ils marchent vers la seule chose qui les attend: le bus. Comme lui ces gens-là ne savent pas ce qu’il font, et alors ils font quelque chose. De l’autre côté de la rue, Benoît regarde l’agitation des gens qui viennent avec leurs paquets pleins de choses. Ils quittent les supermarchés avec les poids de leurs courses, achats dans les yeux fatigués, en allant vers le lerminus. Dans le parking de MacDonalds, des mères diligentes tenant leurs petits à la main quittent leurs voitures, sans dispenser un seul regard aux gens qui se déplacent au terminus. Leur voisinage spatial ne leur dit rien sur la solidarité. Il vivent dans des mondes qui ne se rencontrent jamais.
«On peut déjeuner chez Angeloni, qu’est-ce que tu me dis ? »
« Je veux aller au Centre Commercial Neumarkt. »
Ils s’en vont quand le feu devient vert. L’agitation dans la rue Sept maintenant est plus intense, avec les voitures qui viennent du quartier Velha. Il lui faut rouler un peu plus vite et Bertilia répond bien à la vitesse que les autres voitures lui imposent. Dans le parking elle est heureuse de trouver un endroit pour garer sa voiture. En quittant la voiture, Bertilia prend son mari par la main, et se dirige vers à la place d’alimentation. Ils réussissent d’avoir une table vide.
« Qu’est-ce que tu vas manger, Benoît ? »
« Je ne sais pas, encore, et toi ?»
« Je vais prendre quelque chose de léger,» lui dit-elle. « Je n’ai pas faim. »
Il la voit aller vers Saveur Chinoise. Il la regarde consulter les options dans la carte. Après elle vérifie les plats qu’ils offrent. Il la voit aussi préparer son assiette, le payer et revenir vers lui. Elle mange et il ne le quitte pas des yeux. C’est quand il se lève, en se dirigeant ver la librairie. Bertilia l’accompagne avec un sourire plein de curiosité. Il revient quelques minutes après, avec un livre.
« Qu’est-ce que tu as acheté ? »
Benoît lui passe le livre.
«Jo, la force de l’Esclave,» elle lit sur la couverture.
«Je vais trouver quelque chose à manger,» lui dit-il.
Il parcourt la place d’alimentation. Il ne se presse pas, se comportant comme s’il avait tout le temps du monde. Il arrête devant un kiosque de nourriture, examine le prix et les options et après il se dirige vers un autre. C’est comme s’il devait passer par ce rite de contrôle de sa faim. À l’hôpital il a appris comment dominer la faim. Il faut la ritualiser. Il ne va pas la laisser le dominer. Pendant la visite à tous les kiosques il ne permet pas que la saveur, l’odeur, la vision des nourritures l’attirent et le transforment en leur esclave. Il veut pratiquer sa force. Il pense aussi aux exercices qu’il va pratiquer à la gymnastique ce soir. Il pense aussi que les exercices vont l’aider à acquérir la possession de son corps. La pratique des exercices, le contrôle de la faim et la conscience de sa révolte contre les gens qui ont essayé de le détruire à la fac sont les routes qu’il va prendre vers la possession de son nouveau corps.
«Pas encore ?» Lui demande Bertilia.
«C’est un exercice de patience.»
«Pourquoi tu te mortifies comme ça?»
« Allons-y ? » Il ne veut pas lui donner des explications, il veut rentrer chez lui.
Bertilia est prête. Ils se dirigent vers le parking. Dans la voiture il met le CD de Bobby Dilan et choisit le numéro six. Il écoute le chanteur :

How many lands must a man walk down
before we can call him a man?

Et après le fameux refrain.

The answer my friend is blowing in the wind.
The answer is blowing in the wind

12/09/07
“Je t’ai préparé un plan d’exercices,” dit Brückermann à Benoît quand il revient pour la séance d’activités. C’est le deuxième jour que Benoît vient à la gymnastique. Il écoute son instructeur attentivement. «On commence toujours avec ta tension.» Alors, le professeur la mesure. Il est satisfait. «Très bien, Ben.» Bruckermann le conduit à un endroit pour l’étirement. «Après la mesure de la tension, on étire, Benoît.» Il aide son élève à étendre ses jambes, son dos, le cou, et les bras. « Pendant vingt secondes tu vas étirer chaque partie de ton corps, tu m’entends ? Tes jambes, ton dos, ton cou et tes bras, tu comprends ? C’est très important. Au commencement et à la fin de tes exercices, tu vas tout étirer. D’accord ? »
Benoît ne dit rien, il fait tout juste un signe de tête pour montrer qu’il a tout compris et qu’il va faire comme le professeur lui a dit.
«Au tapis, maintenant,» lui dit le professeur. Brückermann le fait monter sur le tapis, le met à la vitesse cinq. «Tu vas marcher pendant dix minutes. De temps en temps je viens vérifier ta tension. » L’instructeur le laisse seul et va voir les autres pour se certifier qu’ils font bien leurs exercices. Benoît marche bien, la vitesse du tapis ne le dérange pas, il est capable de suivre le mouvement sans aucun problème. C’est la vitesse idéale pour son âge et son corps sexagenaire. Après trois minutes dédiées à l’exercice, il oublie qu’il est sur un tapis qui conduit son corps au mouvement répétitif auquel il s’adapte bien. Benoît arrive même à regarder les autres. Ils sont tous diligents, allant d’un exercice à l’autre, à la recherche d’un corps qui va leur donner un plaisir physique, mental, et émotionnel. C’est le plaisir du corps qu’ils viennent acquérir là. En regardant les autres, femmes et hommes, jeunes et vieux, la concentration qu’il met sur sa marche au tapis devient plus naturelle, Il oublie ses jambes mises en mouvements réguliers et répétitifs, et dirige ses yeux vers la télé qui est devant lui, installée en haut du mur.
«On a une télé, » dit-il au camarade qui marche sur le tapis à sa droite. Le silence de l’homme ne lui déplait pas. La chaîne lui montre un vidéo sur des surfeurs qui font des grandes vagues des tapis liquides qui les conduisent vers le sable qui se trouve à la fin de la mer. « Comment sont-ils capables de faire tout cela ? C’est incroyable, pas possible. Il faut qu’ils aient un bon contrôle de leurs corps et esprits. » Ses yeux ne se détournent pas de l’écran de la télé.
«Tu aimes la mer?» Il regarde le camarade, mais ce n’est pas lui qui parle. C’est le professeur qui arrive pour mesurer les battements du son coeur. Brückermann lui prend le bras droit, pressione les doigts pour lui prendre le pouls. Cette minute où Benoît se soumet sans rien dire lui semble une éternité, en attendant silencieusement le verdict.
«110 » lui dit Brückermann.
« Qu’est-ce que ça veut dire, professeur Brückermann ? ».
« Brück, s’il te plaît. Pas Brückermann. Appelles-moi Brück. Ça signifie que tes bâttements sont stables pour un homme de ton âge. »
« C’est vrai ?»
« Oui, ton coeur fonctionne bien. Il a bien réagi au tapis. C’est bon, mais un meilleur diagnostic seul ton médecin va te le donner. Va le voir et amène-moi un certificat médical. Continue avec ta marche. »
Les dernières cinq minutes qui restent, Benoît les fait sans aucune concentration parce que rien ne le dérange. Les surfeurs sont là mais l’admiration initiale se dissipe.
«C’est toujours comme ça, et tout va bien.» C’est le camarade du côté droit qui lui parle, finalement.
« Oui, merci »
« Je pratique la gymnastique depuis deux années. »
« Deux années ? »
« Oui, quand on commence, on ne veut pas s’arrêter. »
Brückermann revient pour prendre le pouls de Benoit. Il répète la même procédure qu’il a suivi la première fois
«110 »
Benoît souri en écoutant le nombre de bâttements de son coeur.
« Il est stable, Brück »
« Sans aucun doute. »
«Quel est ton verdict ?»
«Que la marche ne va pas te tuer. »
« Je ne peux pas mourir. J’ai soixante ans, mais j’ai l’intention de vivre encore trente ans. Je compte sur toi et tes exercices pour y arriver.»
« Maintenant, à la bicyclette. Tu vas pédaler et moi, je vais voir si ton coeur continue stable aux 110 bâttements. »
«Seigneur tout-puissant ! » Soupire Benoît. «Allons-y ? » Il est tout confiant.

(27/09/07)
Brückermann ajuste la selle de la bicyclette et Benoît monte dessus. L’instructeur la met à la vitesse 20. Benoît essaie d’ajuster ses pieds sur les pédales mais ça ne marche pas, les baskets l’empêchent de bien se fixer dans le dispositif qui est là pour firmer les pieds. Il faut ouvrir le dispositif un peu plus pour que les baskets s’installent bien. Quand tout marche bien avec les pieds Brück se dédie aux mains de Benoît. Pas de problème avec elles, Benoît les utilise bien.
«On va pédaler pendant dix minutes,» lui dit l’instructeur. « De temps en temps on mesure ton pouls, Benoît. Il faut te surveiller ici aussi. »
Benoît commence à pédaler, mais le professeur l’interromp.
«Ah ! Il y a une autre chose. »
« Laquelle ? »
« Regarde, Ben, ce dispositif ici va te déterminer le degré de difficulté de l’exercice. » Benoît suit la direction de la main de Brück et voit le dispositif indiqué. « Si tu le tournes vers la gauche alors il va t’exiger moins d’effort. Quand tu le tournes à droite l’effort exigé est plus grand. Tu peux le contrôler et le mettre sur l’effort que tu peux administer. Tu comprends ? »
«Oui, d’accord. »
Benoît teste le dispositif, en le tournant à gauche et à droite. Il sent la différence dans l’effort que ses pieds doivent faire pour pédaler dans une position et dans l’autre.
« Tout va bien ? » lui demande le professeur.
« Oui, pas de problème. »
« Alors, pédale et respecte la vitesse, l’effort, et ta tension. »
Tout marche sans déranger la santé de Benoît. Il pédale bien, il obéit à la vitesse stipulée, et varie l’effort quand il pense qu’il peut le changer pour expérimenter sa capacité pulmonaire et cardiaque. Sur sa chemise on peut voir quelques parties qui sont mouillées à cause de la sueur.
« Très bon, tu a sué, » lui dit Brück quand il revient pour mesurer le pouls de Benoît. « La sueur aide à dépenser des calories. Tu vas maigrir rapidement. » Il prend le bras de son élève pour la pulsation. « 130. »
« 130 ? »
« Soit tranquille. Ta pulsation est normale. Ne t’inquiete pas. Maintenant on va aux exercices pour ton abdomen. »
Benoît saute de la bicyclette et accompagne Brück. L’instructeur prend un matelas et les deux, professeur et élève, marchent vers un endroit grand et vide. Brück met le matelas par terre.
« Allonge-toi sur le matelas, s’il te plaît. »
Benoît s’allonge et s’installe bien. La sensation de son corps au repos détend son esprit de telle sort qu’il puisse dormir.
«Je pourrais dormir maintenant. Après le tapis et la bicyclette, mon corps en a besoin.»
« Dormir ? Ici on travaille, on ne dort pas, jamais. Alors, au premier exercice abdominal. Mets tes mains sous ta tête, plie tes genoux, et lève ta tête, oui comme ça, c’est bien. Alors, lève ton dos un peu, sans lever les fesses, oui, très bien, baisse ton dos, oui, lentement. Maintenant refais tout cela, d’abord la tête et le dos sont levés, et baissés lentement, avec les genoux pliés et les fesses sur le matelas. »
Benoît mémorise tous les pas de l’exercice et fait tout comme lui dit le professeur.
« La répétition est tout, mon ami. Il faut répéter les mêmes mouvements. Tu vas les répéter dix fois et après tu te reposes pendant 45 secondes et reprends l’exercice. »
Benoît fait les dix abdominaux trois fois. Quand il termine la séance d’abdominaux son abdomen est très douloureux. Il parle de la douleur et le professeur lui dit que cela est une evidence de la qualité de son exercice.
« Sans douleur tu ne vas pas réussir, tu n’arrives nulle part. Il y a d’autres exercices pour l’abdomen, mais maitenant nous allons au poids. »
Brúck et Benoît se dirigent à l’endroit où se trouvent les poids. Il explique à son élève qu’à partir de ce moment il va exercer les jambes, les bras et la poitrine. Les exercices vont lui donner un corps fort et sain. Ou le corps d’un athlète, musclé.
«Tu peux avoir les deux si tu veux, Benoît. Aussi, les femmes vont t’adorer si tu leur exhibes un corps athlètique. Tu auras du succès dans le monde féminin de tes étudiantes. Qu’est-ce que tu me dis ?»
« Non, je serai content avec un corps sain. Et puis, je suis un professeur, un professeur sexagénaire. Je ne suis pas ici pour les femmes ou pour leur adoration, non, bien sûr, je suis venu parce que je veux acquérir un corps qui peut me garantir trente ans de vie de plus. C’est tout pour moi. »
«À la santé de Benoît, alors, » lui dit Brück et les deux rient beaucoup.
« Oui, à ma santé. On ne peut pas oublier que j’ai de l’asthme, de la bronquite asthmatique, non, on ne va pas oublier cela. »

(07-14/11/07)
«Ici, on exercera ta poitrine, tes bras, et tes jambes, Benoit,» lui dit le professeur. Ils sont dans une salle où Benoît voit des équipements pour tous les types d’exercice qu’on peut imaginer. «Ici, tu exerceras chaque partie de ton corps séparément. Tu dédieras un jour à la poitrine, un autre aux bras et le troisième aux jambes. »
« Oui, je l’ai bien compris, » dit l’élève au professeur. « Aujourd’hui, j’aimerais commencer avec ma poitrine. »
« Pourquoi ? »
« Mon asthme, c’est pour ça.»
« Oui, d’accord. Une poitrine forte et bien exercée te donnera de meilleurs poumons. Ils s’oxygèneront et le résultat sera ta qualité pulmonaire. »
« J’en ai besoin, beaucoup, pour mes trente prochaines années. »
Le professeur lui montre une feuille de carton avec le plan d’exercice qu’il lui a préparé. Dans le carton Benoît rencontre les noms des exercices, le nombre de répétition de chaque exercice, le pourcentage de charge et le nombre de séries. Benoît y voit ici les jours de la semaine. Le professeur le conduit au premier exercice, et lui demande de s’allonger sur la base de l’equipement. Benoît fait comme le professeur lui dit. De la base il voit le professeur prendre une barre de fer, la mettre aux supports. À chaque extrémité de la barre il met des poids de cinq kilos.
«Prends la barre, » lui ordonne le professeur et Benoît lui obéit. «Attrape-la bien, et lève-la jusqu’au point où tu sens tes bras bien étirés. Oui, comme ça, c’est bien. Ne la descends pas, oui bien, tiens-la. Comment ça te semble, Benoît, elle est lourde ou légère ? »
«Légère. »
« Elle deviendra lourde quand tu auras répété les mêmes mouvements dix fois sans arrêt. »
« Dix fois ?
« Oui, mon cher. Tu répèteras cet exercice dix fois en trois séries. D’accord ?»
« Oui, d’accord. »
« Maintenant tu peux descendre la barre. »
Benoît fait l’exercice comme le professeur lui dit.
«Prof, comment s’appelle cet exercice ? » Lui demande Benoît à la fin de la séance. .
« Supino reto. »
« À quoi ça sert? »
« Il fortifie ta poitrine. Tous les autres exercices ont la même fonction. Ils te donneront une forte poitrine. »
« Quels sont les autres exercices ? »
« Viens avec moi. »
Benoît suit le entraineur au Supino Inclinado. Il le fait bien comme le professeur lui dit. Après il pratique crucifixo reto, puxador frente, et remada máquina. Les exercices pour la poitrine terminent avec remada sentada. Toute la séance de sept exercices lui prend plus d‘une heure de pratique. Benoît se sent fatiqué, mais il est heureux parce qu’il a fait tout cela.
« C’est tout pour ta poitrine, aujourd’hui, Benoît. Je suis content de toi, tu t’es comporté comme un élève très appliqué. Félicitations, Benoît.»
« Merci. Moi, je me sens très content aussi avec ma performance. J’avais peur de ne pas en être capable. »
« C’est le commencement de ta nouvelle vie. »
« De trente ans de plus, oui, je le sais bien. »
Alors le professeur l’emmène aux exercices finals d’étirement. Benoît étire les jambes, les bras et la tête, comme il avait fait quand il est arrivé à la gymnastique ce matin-là. Brückermann mesure sa tension et voit qu’elle est normale. Après, Benoît est libéré. Avant de sortir il décide d’y rester un peu plus et voir ce que les autres sont en train de faire. Il y a des femmes et des hommes, des enfants, des jeunes, des adultes et des gens âgés. Ils font des différents exercices. Quelques-uns se montrent très appliqués, réalisant leurs exercices diligemment. D’autres bavardent au lieu de les pratiquer. Ils ont leurs raisons pour venir. Benoît pense qu’il aura du temps pour savoir ce qui les pousse à dédier des heures à leur corps.
Quand il pense qu’il en a vu assez il se dirige vers la salle de la secrétaire. Le professeur est avec elle. Elle sourit quand elle le voit. Brückermann se lève de la chaise.
«C’est Benoît, mon élève, » dit Brúckermann à la secrétaire. « Tu le connais ? »
« Oui, je le connais bien. Nous sommes déjà de bons amis, n’est-ce pas, Benoît ? »
« Oui, c’es vrai, Bené. »
« Bené ? Quelle intimité entre vous deux. »
« Elle m’a visité à l’hôpital quand je suis tombé malade. C’est elle qui m’a fait venir ici pour les exercices. Et le mieux de tout, elle m’a parlé bien de toi, prof.
Benoît sort, les laissant seuls avec leurs pensées sur tout ce qu’il avait dit.

(28/11/07)
L’après-midi, Benoît le passe à la Fac, avec ses étudiantes blanches, tous dédiés à la recherche du corps noir dans les oeuvres de la romancière noire Toni Morrison. Comme d’habitude il ouvre les discussions de ce qu’ils vont faire avec la lecture du sermon que Baby Suggs fait à ses camarades. Tous ces noirs forment la première communauté après qu’ils sont capables d’échâpper à l’esclavage. Il s’agit d’un sermon sur le corps noir qu’on a besoin d’aimer, de protéer, de bien soigner. Un corps qui a besoin d’une vie qui ne sera pas la même que celle qu’ils avaient là-bas.
« Ce livre, » il commence à dire aux étudiantes, « ce roman on doit le lire avec un coeur ouvert. »
« Pourquoi, prof ? » Lui demande Friede.
« j’ai vu le film,» dit Kathrin.
« Il y en a un sur cette histoire ? » Demande Eilleen.
« Parce que, Friede, Baby Suggs nous demande cela, » dit Benoît. « Regardez ce qu’elle dit. Nous devons aimer notre coeur. Parce que c’est le prix. Ça c’est son enseignement. »
Benoît leur explique comment il va conduire la recherche. Il donne à chaque étudiante une copie du projet qu’il a écrit et un roman de l’écrivaine, avec quelques explications initiales, sans entrer dans les détails du projet. Il veut qu’elles les lisent pour qu’elles sachent comment commencer à s’intéresser à la recherche.
«Alors, mes petites, le grand sujet de notre étude c’est le corps noir. Le corps noir, vou comprenez bien? Puis-je vous poser une question, une question vitale ? »
«Oui, prof, » dit Eilleen.
« Une question ? » Demande Friede. « Bien sûr. »
« La quelle ? » C’est Kathrin qui demande.
« Avez-vous déjà vu un corps noir ? »
« Oui. » Toutes les trois répondent en même temps.
« Au foot,» dit Kathrin.
« Au cinéma,» parle Eilleen.
« Dans la rue, » dit Friede.
« Bien, » réagit Benoît. «Alors, dites-moi, l’avez-vous vu nu ? »
Elles ne disent rien. Benoît attend un moment pour qu’elles réagissent à la question qu’il leur a posée. Comme il ne sait pas si elles font du silence par prudence, par peur, ou parce qu’elles pensent que le silence doit être une des qualités d’une apprentie rechercheuse devant la sagesse du conseiller, il n’insiste pas pour ne pas les embarasser ou leur faire honte.
«Alors, prof, quelles seront nos tâches dans le projet, » lui demande Friede. Elle aussi veut échâpper à la question.
« D’abord, lire le projet. Je veux que vous vous familiarisiez avec ma proposition et que vous la compreniez bien. »
« Tu m’as donné L’Oeil le plus Bleu, » lui dit Friede. « Alors, de quoi s’agit-il ? »
« Le mien c’est Aimée.» C’est Kathryn qui parle maintenant. Mais elle n’a aucune question.
« Perle Noire, » dit Eilleen. « Je suis enchantée pour le titre. »
« Alors, mes petites, je ne veux pas anticiper quelque chose sur les romans, pas aujourd’hui. D’accord ? »
« Oui, d’accord, mon capitaine, » elles disent en unisson, en se tapant les mains entre elles, tout cela suivi d’un rire d’amusement.
Elles sont contentes. Benoît peut le voir. Il les regarde avec attention pendant quelques instants. Il est content aussi parce qu’elles ont accepté son invitation à développer le projet. Il voit que leur réaction est positive et il croit que la recherche va finir bien. Il sait que leur travail ne sera pas facile. Il a des raisons fortes pour penser comme ça, parmi lesquelles la moins compliquée c’est le projet lui-même. Mais le plus complexe c’est la différence raciale qui existe entre elles et le thême de leurs études.
« Avant de vous libérer je veut vous dire mes derniers mots aujourd’hui. »
« Lesquels? » Lui demande Eilleen.
« Que je vous admire déjà pour votre courage d’embrasser une tâche comme celle que je vous present. Votre courage devient plus grand et fort parce que vous êtes blanches tandis que le sujet de votre recherche est noir. Avec ça vous gagnerez beaucoup dans la vie académique et vous gagnerez plus dans le domaine des relations humaines. Vous êtes en train de montrer que vous avez vos coeurs ouverts aux différences entre les êtres humains. Vous êtes blanches, vous trois, et vous rencontrerez dans les livres de l’écrivaine des conflits entre les Noirs et le Blancs, de fortes accusations des Noirs contre les Blancs, des destructions des Noirs par les Blancs. C’est pour tout cela que je vous admire déjà. Baby Suggs, un des personnages finit son sermon à ses camarades, disant qu’il n ’existe pas d’autre malchance dans le monde sinon les Blancs. Vous êtes l’éevidence la plus claire que les Blancs ne sont pas toujours la malchance des Noirs. Vous l’êtes déjà et le serez durant la recherche la bonne chance des Noirs. Vous comprenez, quelle responsabilité?»

2. JEUNE BENOÎT

(20/06/07)
«Tu vas devenir malade, » lui dit sa maman quand il arrive chez lui. « Le foot te va tuer, mon fils. » Elle passe la main sur sa tête. «Vite, vite, seche tes cheveux. Prends cette seviette-ici. »
La pluie est constante ce janvrier-là. Il pleut tous les après-midis, mais ils jouent san arrêt, dans la pluie, les enfants. La pluie est intense et rapide, et elle ne s’allonge plus qu’une heure par jour. Entre eux, Benoît c’est celui qui aime le foot dans la pluie de plus parce que c’est quand il peut montrer toute son habilité avec la balle. C’est ainsi qu’il est devenu la sensation footebolistique entre ses camarades du Jaracumbah à la âge d’huit. Hier personne ne le connaisait, aujourd’hui il est le phénonème du moment. Dès qu’ils l’ont invité a jouer la première foi il les a montré qu’il savait jouer le foot comme si ce sport-là était dans son gene.
« Le foot, c’est ma vie, maman, » lui dit-il, pendant qu’il se sêche. «Je vais jouer pour te donner le mieux. » La maman est beaucoup gratifié, primièrement à Dieu qui lui a donné ce fils avec le don sportif, un fier national ; deuxièmement, au petit Benoît que sais comme l’utiliser bien.
La pluie, le foot du fils, et la bonheur de la familie s’allonge jusqu’à la fin d’êté. Le premier jour d’ecole Benoît arrive. Quand il revient, il ne veut pas joue avec les camarades qui sont là, l’entendant, et l’invitent. Il régarde le livre que la professeur lui a donne.
«Regardes, maman,» lui dit-il quand elle arrive de son travail chez les Britos, où elle est la lavandière. «Lis pour moi, maman, » il demande. Elle prends le livre et le regarde.
«Ta maman est très fatiguée, mon petit,» lui dit-elle. «j’ai des choses à faire.» Elle se dirige vers la petite cuisine. Il est dessu, mais il ne rien dit pour ne pas énerver sa maman. Il rest là avec le livre et le lettres qu’il ne sait pas comme les dire. La maman est dessue aussi parce qu’elle ne peut pas l’aider. « Plus que le foot celui-ci est un jeux que je voulait jouer avec toi, mais queje ne peut pas. »
«Un autre foot, maman? »
« Oui, le mieux pour les pauvres noirs comme nous. Tu le vas jouer avec d’autres personnes. »
« Quand, maman, quand ? »
« Tu as dèjá commencé, avec ta professeur. Maman vas t’accompagner d’ici, à distance. »
Plus tarde, sur la chenille de paille improvisée comme un lit collective pour touts les sept enfants de la famille, il pense que sa maman ne sait pas lire les lettres se son petit livre.
«Maman ne sait pas lire, » dit-til à haute voix, sans addresser sa frase à personne.»
«Mais elle sait laver, » lui dit le frère le plus agé. «Et dans son travail personne ne peut faire mieux qu’elle, ou comme elle.»
Ils dorment. Benoît rêve que deux main viennent couvrir son petit corps. Au matin il se reveille, mais le livre n’est pas là, sur la chenille qu’il partage avec les autres. Il essaie de s’elever mais tout ce qu’il reussit de faire est s’asseoir.
«Venez, tous, pour le petit déjeunmer, » la maman les appele.
« Maman, je ne me sens pas bien, » lui dit Benoît.
Elle lui prepare son petit déjeuner, une tasse de farine dans le café noir, comme d’habitute.
«Qu’est-ce que tu as, mon petit ? »
« je me sens fatigué, très fatigué, ma tête, elle endolorit, beaucoup, je souffres.»
La maman passe la main sur la tête de son bébé pour la sentir. La tête est chaude. Le mari est déjà sorti au travail et les enfants sont déjà allés à l’école ou au travail. La maman prend le fils de la main et le mene au lit qu’elle partage avec son mari. C’est le seul vrai lit chez elle.
« Aujourd’hui, tu vas rester ici, prendre les medicaments que je vais te preparer. Tu vas devenir mieux, je suis sure. »
Benoît et la maman passent le jour ensemble.

(27/06/07)
Pendant toute la matinée, Benoît se sent pire. Les médicaments que la maman lui prépare n’ont pas de bons résultats. Il transpire beaucoup et il tremble. La maman sèche son corps avec une serviette pour qu’il se sente mieux. Benoît souffre, mais il ne se lamente pas parce qu’il ne veut pas que la maman devienne triste. La maman passe le Vick sur la poitrine de son fils pour qu’il puisse respirer sans difficulté. Quand il sent qu’il peut parler sans trop se fatiguer il dit quelque chose.
« Qu’est-ce qu’il se passe avec moi, maman ?
« Tu n’as rien, mon fils.»
« Je vais mourir. »
« Mais non, Benoît, Tu es un enfant et les enfants ne meurent pas, jamais. »
« Pourquoi pas, maman, dis moi »
« Ils restent dans le monde pour l’améliorer. C’est la mission que Dieu leur a donné, de faire ce pauvre monde un peu mieux. »
« C’est ma mission, maman ?
« Oui, tu vas la faire avec ton foot, je sais. Une balle va sauver l’autre.»
« Puis-je faire cela avec un livre ?»
« Parce que tu es un bon enfant tu peux le faire comme tu veux, avec un livre, une balle, n’importe quelle autre chose. »
« Je veux les deux pour améliorer le monde. »
Le mots de la maman lui donnent un peu de confort, sa respiration devient normale, et il dort. La maman le laisse seul parce qu’il est déjà le temps de préparer le déjeuner aux autres enfants qui vont revenir de l’école, à quelque moment. C’est un pauvre repas, ce qu’elle prépare chaque jour : pauvre comme la santé de Benoît, pauvre comme la petite maison, comme leur vie de Noirs pauvres dans une ville allemande. Jaracumbah est riche, mais la famille ne profite pas de cette richesse. Le déjeuner consiste en haricots noirs, riz et sardines. Le légumes et la viande ne font pas partie de leur nourriture. Le déjeuner est toujours délicieux, tous le mangent comme s’ils mangeaient un banquet.
Quand les quatre jeunes filles arrivent, leur nourriture est déjà dans leurs plats, la quantité possible. Elles mangent avec la vitesse de leur responsabilité parce qu’elle doivent aller pour prendre le bus qui les amènera au travail chez Hering. Les deux garçons arrivent un peu plus tard. Le foot leur fait oublier les responsabilités. Comme les filles ils n’ont pas du temps pour dire quelque chose à Benoît, pour demander s’il se sent mieux. Benoît dort. Il ne souffre pas avec cette indifférence fraternelle.
Quand Benoît se réveille il entend la maman chanter un chant d’église. Il sait ce qu’elle fait. Elle fait la lessive et c’est ce qu’elle sait faire le mieux pour donner à la famille le pain de chaque jour. Le chant est sa prière; le travail, sa dévotion.
« Maman, maman.» Elle l’entend et vient le voir. Elle répète les actions qu’elle a faites le matin : elle passe la main sur la tête de son fills, elle sèche la sueur de son corps, passe le Vick sur sa poitrine, et lui donne le médicament qu’elle a préparé.
«Qu’est-ce que c’est, maman, ce que tu me fais boire ? »
« Bois, tu vas te sentir mieux.»
Benoît boit le liquide. Le goût est si fort que l’estomac de l’enfant réagit mal.
«Il me fait mal, mon estomac ne le supporte pas.» Il tousse fort et la toux fait un liquide vert sortir de sa bouche.
«Pas grave, c’est normal,» lui dit-elle pour le consoler. Elle ne lui donne rien à manger parce qu’elle a peur que son estomac ne retienne pas la nourriture. Elle prend une chaise et s’asseoit. «Alors, mon fils, nous avons le rest de l’après-midi, il est tout à nous. Qu’est-ce que tu veux faire ? »
«Tu peux me raconter une histoire, une qui soit merveilleuse.»
Elle va commencer à lui raconter l’histoire de sa vie.

(18/07/07)
«C’était un beau policier.» La maman commence à lui raconter son histoire. «Très beau, et noir, l’homme des mes rêves. Je l’ai aimé dès le moment où j’ai posé mes yeux sur lui. Quand je l’ai vu j’ai su deux choses dans ma vie: que je me marierais avec lui ; qu’il me donnerait un beau fils comme toi. »
« Comment tu a pue savoir tout cela?» Benoît veut savoir un peu plus.
« Je le savais dans mon coeur. » Elle prend les mains de son fils et les met sur son petit coeur. «Quand tu désires quelque chose ici, elle vient à toi, sans aucun doute. Il faut la désirer vraiment, mon petit. »
Alors, elle lui parle de tous les désirs qu’elle a nourris dès le jour où elle a vu cet homme qui l’a épousée six mois plus tard. Il lui a donné une famille, il l’a fait venir d’ Apiaí au Jaracumbah, et habiter cette pauvre maison où le fils malade et la mère attentieuse sont maintenant.
« Tu es mon premier bébé, ici. »
Elle lui raconte que tout était assez dificile dans ses premières années de mariage, Son mari abandonne la Police à cause du petit salaire et du peril d’être tué qui le menaceait toujours. Le mari trouve un travail dans la construction et elle prend un travail de lavandière chez les Britos pour aider à nourrir la famille. Les Britos ont une petite affaire où elle échange son travail pour le pain, le lait, les haricots, la viande et le riz. Quand les Britos invitent son mari à construire leur nouvelle maison, tout devient un peu plus facile.
«Quand tu es né madame Britos m’a dit qu’elle voulait te baptiser. »
«Pour quoi, maman, pourquoi elle voulait être ma marraine?»
« Je ne suis pas sûre, mais je pense que c’est comme ça que les dames catholiques montrent leur amitiés envers les pauvres femmes. Je ne sais pas, mais le fait est qu’elle nous a beaucoup aidé.»
« Jusqu’aujourd’hui. »
« C’est vrai. »
« Aujourd’hui tu ddois laver le linge chez elle. »
« Elle va comprendre quand je lui dirai que mon fils etait malade »
« Qu’est-ce qu’elle va dire ? »
« Que la première responsabilité d’une mère est pour son fils malade. »
Benoît se sent mieux. Le médicament et l’histoire da sa mèrelui font du bien.
« Maman, je veux manger avec vous, à table, comme un enfant normal,» lui dit il, un jour, voyant tous à table. Elle essaie de l’aider à marcher vers la table mais il ne lui donne pas la chance. Il marche lentement, mais sans hésitation et s’asseoit près du père.
«Alors tu vas prier et remercier à Dieu la nourriture qu’il nous a donné,» lui dit le père.
«Il ne sait pas prier,» dit un des frères.
«Tout ce qu’il sait faire c’est jouer au foot,» dit une soeur.
« Le foot c’est sa seule prière, » dit une autre soeur.
Sans faire attention à toutes ces blagues à la table, Benoît commence sa prière.

Dieu, bon Dieu. Je vous remercie pour ma santé. Je vous remercies pour m’avoir donné ma maman qui est une sainte, pour mon père qui travaille toujours pour mettre la nourriture sur notre table, pour ces frères et soeurs que ne se fatiguent pas de plaisanter. Si je suis l’infirmité, ils sont la santé de la famille. Je les aime, tous pareil. Vous le savez.

«Bravo, Benoît » dit le frère ainé. «Tu sais comment on utilise les mots. »
«Ça a été plus qu’une prière, mon fils » lui dit la maman, passant la main sur sa tête. «Tu as fait un poème au bon Dieu. »
Le diner est très agréable et se déroule bien. Après que les filles débarassent la table et lavent les assiettes, les couverts et les casseroles, et les fils les sèchent, tous vont dormir. Pas la maman et le papa, ils ne vont pas se coucher encore. Ils restent à table parce qu’ils ont quelque chose a discuter. Les choses des adultes.
«Tu as fait une belle prière, Benoît,» lui dit quelq’un sur la natte. C’est la première nuit qu’il retourne à la natte avec les autres après qu’il est tombé malade.
«Quand on est sain on joue au foot, quand on est malade on joue aux mots.» Il leur explique tout ce qu’il a fait pendant sa convalescence. « On doit faire quelque chose pour passer le temps. Moi, j’ai joué aux mots. Demain je vais à l’école et je retourne au foot aussi. »
«Arrêtez. Je travaille demain.» C’est le frère ainé qui demande le silence. Et tous lui obéissent.

(08/08/07)
«Où est mon livre? Maman, où est-il ?»
C’est Benoît qui crie. La maison est si petite que cela dérange tous, sauf le papa qui est déjà parti au travail.
«Ne crie pas, on t’entend bien,» lui dit le frère ainé.
«Cherche-le dans ton cartable,» lui dit la maman.
Il fait comme lui dit la maman. Le livre est là et Benoît l’ouvre. Elles sont toutes là les lettres dont les sons il ne sait pas encore comment déchiffrer.
«Je suis triste,» dit-il à la maman.
«C’est ton premier jour, mon petit. Ne sois pas triste, tu vas retrouver tes camarades.»
«Oui, c’est vrai, mais je suis triste parce que je n’ai pas pratiqué les lettres.»
«Tu es tombé malade. »
«Qu’est-ce que la professeur va dire ?»
«Elle va comprendre. Elle sera heureuse parce que tu es revenu.»
« Allons-y, Benoît? » Lui dit son frère ainé.
La maman les voit partir, tous les sept, comme sa légion du bonheur qui marche firmement à la rencontre de la connaissance des lettres. Elle a les yeux plein de larme, mais elle n’est pas triste. Elle ne dit pas «bonjour, tristesse.» Bien au contraire elle dit « allez et trouvez les lettres. »
L’école Adolpho Konder est là, complètement receptive à Benoît. Il rentre et ça lui fait du bien. Il se dirige vers sa salle de classe, les camarades le saluent au passage. « Benoît, le foot à la récréation.» «Le foot, camarade Benoît, ne l’oublie pas.»
« Bienvenu, mon cher Benoît.» La professeur Gertrud est à la porte. «Je suis très heureuse de te voir parmi nous. Tu te sens bien ? »
Benoît lui sourit, sans rien dire, à cause de la réception que tous lui donnent. Il s’asseoit à sa place. Claudio, son meilleur ami, s’approche.
«À la récréation, nous allons jouer au foot, » lui dit Claudio. «Tu viens ? »
Comme Benoît, il aime bien le foot et le joue si bien que Benoît aime être son ami.
La professeur Gertrud commence le cours du jour. Elle adresse ses premiers mots à Claudio, lui donnant sa tâche de la semaine.
«Tu vas enseigner à Benoît tout ce que la maladie lui a fait perdre. »
«D’accord, prof, mais j’ai une condition.»
«Qu’est-ce que tu veux de moi, maintenant.»
« Pas de toi, prof, de Benoît. »
« Alors, laquelle ?»
«Qu’il m’enseigne à jouer au foot comme il sait.»
Tous se mettent à rire, à crier. Ils battent leurs pieds sur le sol et le bruit dans la salle devient assourdissant. Quand tout redevient tolérable la professeur Gertrud commence son cours sur l’histoire du Jaracumbah. Elle écrit le mot sur le tableau noir avec de grandes lettres: JARACUMBAH.
«Je vais vous raconter l’histoire du mon peuple.»
Elle leur dit que le premières 17 familles sont arrivées en 1850. Elles sont parties d’Alemagne parce la vie là-bas était très dificile pour tous les alemands.
«Ils n’avaient rien à manger, pas de travail, ils souffraient à cause de la guerre. »
«Et pourquoi le nom Jaracumbah, prof ? Lui demande Benoît, lui indicant le mot étranger sur le tableau. C’est le mot qui l’intéresse. Et dans le mot les lettres qu’il ne sait pas dire encore. « Qu’est-ce que ça veut dire ?»
«C’est un mot poétique.» La prof fait une petite pause avant de continuer à expliquer le sens du mot. «On dit comme ça : J-A-R-A-C-U-M-B-A-H. C’est un bon son, n’est-ce pas ? Mais son sens est meilleur encore : la rivière des couleuvres.»
«Qu’est-ce que couleuvre signifie, » lui demande Benoît
«C’est un autre mot pour serpent. »
«J’ai peur des serpents,» réagit Benoît. « Yl ya en a partout chez-moi. « Quelque fois elles sont dans la latrine et je ne peux pas y aller.»
Il est interrompu par le cloche qui sonne fortement. Tous quittent leurs chaises et se dirigent vers la porte.
«Venez, Benoît, au foot, » crie Caudio de la porte.
La prof ne peut rien dire de plus parce que ses élèves ne sont plus là pour l’écouter.

29/08/07.
“Je suis venu pour Benoît,” lui dit l’homme qui est devant elle.
«Qu’est-ce qu’il a fait?» Lui demande la maman. Et sans attendre aucune explication elle appelle son fils. «Benoît, viens ici.». Il arrive. « Qu’est-ce que tu as fait à l’école ? Dis-moi, vite, vite.»
« Rien, Maman, je n’ai rien fait.»
« Comment peux-tu expliquer la présence de cet homme chez nous. »
«Je ne sais pas. Je ne le connais pas, et je ne sais pas pourquoi il est venu. »
« Alors, monsieur, qu’est-ce que vous faites chez nous ? »
« Rassurez-vous, madame. Je ne viens pas de l’école de votre fils. Il n’a rien fait de mal à l’école, au contraire. »
Monsieur Reuter leur explique qu’il est venu pour leur rendre une visite imprévue qui affole la maman. Il raconte tout. Il habite près de l’école de Benoît et il le voit jouer au foot tous les jours pendant la récreation. Il est fasciné par le bon foot que son fils joue. Il veut l’emmener jouer pour Vasto Verde, l’équipe qu’il entraîne. Benoît écoute tout ce que l’homme dit directement à sa maman. Il n’est pas triste que l’homme ne lui dirige pas ses paroles, parce qu’il parle de lui.
«Il va avoir un grand futur, » dit l’homme à la maman. « Je vous le promets.»
Alors, il parle sur ce qu’il pense de l’extraordinaire capacité de joueur que Benoît montre quand il est parmi ses camarades, en train de jouer à l’école.
«Il sera un Pelé, je suis sûr. » L’homme dirige son regard vers le jeune Benoît. Il est sûr que Benoît est heureux d’avoir la chance de jouer pour une équipe bien organisée comme celle-là. Mais il sait que s’il veut réussir dans la mission qui l’avait mené chez son protégé il lui faut convaincre la maman. C’est elle qui sait ce qui est mieux pour son fils.
« Mon petit va terminer son école élémentaire, cette année, mais je veux qu’il continue ses études.
« D’accord.»
« Le foot dérangera ses études. »
« On va lui enseigner à réussir dans les deux.»
Cet après-midi-là l’entraîneur revient pour l’emmener au Vasto Verde pour sa première participation dans l’équipe. Benoît est complètement enchanté avec tout : le terrain qui est si large qu’il a peur de ne pas être capable de le parcourrir avec la balle. Au vestiaire les douches avec de l’eau chaude et froide le rappelle de la précarité de ses bains dans le bassinet plein d’eau chaude pendant l’hiver et dans le lavoir de zinc de sa maman, pendant l’été, hors de la petite maison. Il y a aussi les nouveaux amis qui, comme lui, sont là.
Ce jour-là Benoît participe de son premier jeu sous le commandement de l’entraîneur. Quand l’homme lui donne sa tenue de joueur, il le prend avec enthousiasme. Il s’habille dans le vestiaire, devant les autres joueurs, plus grands et plus agés que lui. Il commence avec la culotte, après ce sont les bas. Il chausse les chaussures. Enfin, il met son maillot. Il se lève et se regarde dans le miroir qui est devant lui. Il ne se reconnait pas.Qui est ce petit noir-là ? Se demande-t-il..
Quand il sort du vestiaire il a la conscience qu’il a retardé le commencement de son premier entraînement. Tous les autres son déjà là, à l’entrée du terrain. Ils font deux files humaines, Benoît doit marcher entre eux. Il sait aussi ce qu’ils vont faire pendant qu’il marche, ou court pour éviter le pire. Il dirige son regard vers quelque endroid en essayant de trouver l’entraîneur. Il le voit, au bout des files.
«Viens, Benoît, on doit commencer,» l’entraineur lui ordonne d’avancer dans ce couloir polonais. «C’est ton baptême de feu, mon petit. »
Benoît hésite, il a peur. Il se tourne vers le vestiaire.
«Tu ne peux pas retourner au vestiaire, » Benoît entend quelqu’un dire.
« Pas cela.»
« Sois courageux »
Alors, il prend sa décision. Sans que persone ne l’attende, il se tourne vers ses camarades et court à toute vitesse. Pris par surprise ils ne peuvent pas faire grand chose pour le baptiser comme il faut. Il arrive au bout des files. Il est fatigué, mais heureux. L’entraîneur l’attrape.
«Ce n’est pas comme ça qu’on fait ici, » l’entraineur lui reproche sa conduite. Ce n’est pas juste avec eux. Alors, retourne au début et reviens ici. Benoît, marche s’il te plaît, tu es interdit de courir.
Les joueurs lui donnent un double baptême.




(19/09/07)
«C’est le messager de l’amour, Saint François.» Frère Liebermann commence son premier cours de religion dans le groupe de Benoît avec l’histoire du Saint franciscain. Benoît l’entend attentivement. «Il a fait de la paix entre les gens la mission de sa vie.» dit le frère aux étudiants. Il récite le poème le plus fameux de Saint François. Le mots résonnent comme une prière dans le coeur de Benoît. «C’est la prière de Sant François,» leur dit le frère.
« J’ai deux amours,» dit Benoît au frère quand il finit son cour. «Le foot et les livres. »
« Tu peux en ajouter un autre.»
« Lequel ?»
« L’amour franciscain pour les gens. ».
Cette année la vie de Benoît est dominée par la présence de quatre personnes et ce qu’ils représentent pour lui : la maman et sa dédication à la famille, la professeur Gertrud et son enthousiasme pour les livres, l’entraineur Reuter et son esprit d’athlète, et frère Liebermann et sa ferveur franciscaine. Mais Benoît ne se sent pas divisé par ces quatre orientations. Au contraire, il pense qu’il peut les réunir dans sa vie, toutes.
«Benoît, mon élève, que dis-tu de visiter un séminaire franciscain ?» Lui demande le frère Liebermann à l’école, un matin de soleil.
« Je ne sais pas, je dois consulter ma maman. »
« Je l’ai déjà consultée et elle est devenue heureuse avec la nouveauté. »
Le soir de ce même jour, quand toute la famille est réeunie pendant le dîner la maman fait l’annonce.
«Nous aurons un franciscain dans la famille, » dit-elle à tous. Tous les regards se tournent vers Benoît. «Moi et frère Liebermann on a tout decidé. Demain le frère va l’emmener au séminaire à Rodeio et en février Benoît va étudier au seminaire à Rio Negro. Je suis tellement heureuse que je ne me fatigue pas de remercier Dieu pour cette grâce extraordinaire. »
Benoît fait comme le frère et sa maman ont décidé et le lendemain matin suivant il entre dans la jeep de Liebermann et le franciscain le conduit au séminaire. Après une heure de voyage sur une route boueuse, il sont accueillis par frère Cancio et ses séminaristes avec un répas irrécusable. Dans le réfectoire, le silence est complet et Benoît ne comprend pas comment ces 50 étudiants peuvent rester silencieux pendant qu’ils mangent. Benoît est tellement fasciné par tout qu’il voit qu’il s’imagine dans un monde qui n’existe pas. Mais il existe et Benoît est là pour en faire partie.
L’après-midi, Benoît participe à la routine de la vie monastique avec les étudiants. Il visite la bibliothèque, pleine de toute sorte d’oeuvres, dans différentes langues.
« Je pourrais vivre ici, entre tous ces livres ma vie entière,» dit-il au groupe de séminaristes qui l’accompagnent. Ils sourient tranquillement.
« Allez ! Nous avons une salle de classe à visiter, » lui dit l’étudiant qui mène le groupe.
Tous le suivent, entrant dans la salle de classe sans faire aucun bruit. Le professeur poursuit son cours. Les étudiants qui l’acompagnent prennent des chaises et Benoît fait comme eux.
« The book is on the table. Where’s the book?” Benoît entend le professeur dire, mais il ne comprend rien.
«The book is on the table, » tous les étudiants répètent après le professeur.
« Qu’est-ce qu’ils disent ? » Demande-t-il à l’étudiant à côté de lui.
« C’est le cours d’anglais, et ils disent ‘le livre est sur la table’, » lui explique le séminariste.
À quatre heures, les étudiants l’emmenent au terrain de foot. Il est grand comme le terrain de son ‘Vasto Verde’. Ils l’invitent à jouer avec eux. Benoît joue et il est capable de montrer tout ce qu’il sait faire. Il joue bien et personne ne peut l’acompagner.
« Tu es bon avec la balle, » lui disent-ils. Les séminaristes sont tous séduits et enchantés par le foot de Benoît.
Après la messe, dans laquelle il chante, prie et dont la langue lui est inconnue car c’est du latin, la visite finit avec un dîner d’adieu. La table qui est au centre du réfectoire est occupée par Frère Cancio et les autres réligieux. Frère Liebermann est avec eux. C’est la première fois que Benoît le voit après le déjeuner. Les deux amis se regardent et se sourient. Frère Cancio sonne la sonnette qui est devant lui et tous les regards se dirigent vers lui.
« C’est comme ça qu’on vit ici, Benoît, » lui dit Frère Cancio. «Si tu souhaites une vie pareille, tu es bienvenu. » Il fait un signe et Benoît voit un étudiant se lever d’une table et se diriger vers lui. Et Il lui donne un livre. Benoît lit le titre : ‘La Vie de Saint François’. «Ce livre, lis-le tous les jours, Benoît. Il va te faire un bon franciscain, je sais,» lui dit le frère.
Benoît dort profondement quand ils arrivent chez lui et sa mère vient pour savoir de frère Liebermann comment ça s’est passé au séminaire de Rodeio.


(03/10/07)
Les mois qui suivent Benoît les passe dans l’excitation que sa vie future lui promet. Elle va tout changer, mais il ne le sait pas encore. À ‘Vasto Verde’, à l’école, chez lui, lá où il va, il parde de son départ avec enthousiasme.
« L’année prochaine je ne serai plus ici, » il dit à ses proches.
« Où vas-tu ? »
« Étudier au séminaire. »
Alors, il leur raconte tout sur sa visite au séminaire à Rodeio, avec des détails parce qu’il se souvient bien de tout-ce qu’il a vécu dans cette vie fascinante qu’il a trouvée lá-bas. À l’entraineur Reuter il parle du foot qu’il a joué avec les séminaristes; à la prof Gertrud il raconte la classe d’anglais qu’il a visitée; à sa maman il dit qu’il a prié pendant les repas.
«Eh, Benoît on entend dire que tu vas nous laisser ?» C’est la question la plus commune qu’on lui pose dans le voisinage. Ils lui sourient et lui aussi sourit à son tour. «Viens nous rendre visite avant de partir à ta sainteté. »
Il doit supporter la moquerie aussi.
«Qu’est-ce qui se passe avec toi, mon cher ami Benoît, tu vas mettre des jupes ? »
« Ton père va avoir une autre fille dans la famille ? »
Il supporte la moquerie avec une apparente indifférence. Mais au fond de son coeur il souffre et, quelquefois, la souffrance le fait réagir avec le geste le plus commun parmi ses camarades : aux moqueurs, il leur montre ses petites couilles.
«Petite fille ? Merde ! Prennez mes couilles noires. »
Chez lui, la vie se poursuit avec l’enthousiasme de cette nouveauté. Personne ne veut déranger ce sentiment de sainteté qui a engagé tous. Tous se comportent bien pour que la vocation religieuse de leur fils et frère bien aimé ne trouve aucun problème. Le papa travaille plus que jamais, en faisant des heures supplémentaires. Il sait qu’il faut gagner un peu plus d’argent pour préparer le trousseau de son fils. La maman surveille les pas de son fils pour qu’il ne succombe pas à la tentation. Il y en a beaucoup, de toutes sortes : le foot, les amis. Mais la plus dangereuse c’est celle qu’elle ne sait pas comment contrôler.
«Benoît ? Qu’est-ce que tu veux lui dire? » La maman demande à la fille qui est devant elle, à l’entrée de la maison. «Allez, vite, vite, Benoît n’est pas là »
Zilá n’a pas le temps de répondre à toutes les questions que la maman de son amour lui pose sans arrêt. Elle n’est pas là pour donner des réponses aux questions d’une mère qui se comporte comme la propriétaire du destin de son fils. Elle est venue pour le voir seulement, pour lui dire qu’elle l’aime beaucoup, qu’elle va mourir s’il la quite.
«Dite-lui, madame, que je suis venue pour lui, et que je reviendrai plus tard.»
Zilá s’en va.

(10-17/10/07)
«Alors, Benoît, tu vas me quitter ?, lui demande Zilá le jour où elle se demande ce que deviandra son amour pour le garçon.
« Mais non, je vais étudier au séminaire. »
« Tu ne m’aimes plus. »
« Ne t’inquiète pas, mon amour. Je t’aime, je t’aimerai toujours. »
« Je ne te comprend pas, Benoît. Tu me dis que tu m’aimes, mais tu vas me quitter. »
C’est comme ça que se déroulent les mois suivants entre les deux jeunes amants. Benoît est divisé entre son amour pour Zilá et son amour pour sa maman. Engagé entre ces deux femmes qui se distinguent par le type de dévotion qu’elles donnent au garçon, Benoît sait que le sacerdoce n’arrive pas à se poser comme une question vitale. À Zilá, sa question d’honneur est bien autre: comment vaincre la maman de son amour. À la maman, Il faut battre la jeune et gagner le fils.
Aidée par la nature et le voisinage, la maman sort victorieuse sur sa jeune rivale. En novembre, l’inondation du fleuve Jaracumbah transforme l’excitation positive que la décision de Benoît apporte au sein de la communauté. Les eaux du fleuve mettent tous dans une autre commotion toute différente. Les maisons sont envahies par le fleuve féroce. Les gens se protègent comme ils peuvent : dans les églises, les écoles, chez les parents, les amis, ou même chez les inconnus. Occupée par la vie des gens qui ont besoin de sa présence, la maman de Benoît néglige la vocation de son fils. Pas Zilá, elle est là, surveillant leur amour de la seule manière qu’elle sait : proche de lui, elle remercie les dieux du fleuve Jaracumbah qui leur donnent du temps pour qu’ils restent ensemble, sans la présence fatigante de la maman de Benoît. Ainsi, les amants vont partout et apportent aux familles leur solidarité amoureuse.
«La maison de la prof Gertrud a eté inondée, » dit Benoît à Zilá.
« On peut y aller pour savoir si elle a besoin de quelque chose. »
Ils ne la rencontrent pas, la pauvre prof. Les hommes qui protègent sa maison et qui montent ses affairs au deuxième étage, leur disent qu’elle est allée passer ces jours avec une famille.
« On peut vous aider, » leur dit Benoît.
« En ces moments tes prières sont plus précieuses que tes mains, mon petit, » lui dit un voisin.
« Allez au sacerdoce, mon cher,» dit un autre.
« Vous allez salir vos belles jupes, » dit encore un autre, regardant Zilá et puis Benoît. Tous éclatent de rire, un rire de moquerie.
« Allons-y! Allons-y ! » dit Zilá à Benoît.
Zilá s’irrite beaucoup, ils se retirent.
«J’ai besoin d’être seule.»
« Je te comprends bien. Je suis habitué avec ce type de moquerie.»
« Qu’est-ce que tu vas faire maintenant, »
« Je ne sais pas. »
« On peut nous rencontrer ce soir.»
« Oui, viens chez moi. Après, on peut décider ce que nous ferons. »
« D’accord. »
Benoît la voir partir. Il sait qu’elle souffre parce qu’il va la quitter. Il marche dans la rue, il voit les gens qui souffrent. Ils souffrent beacoup parce qu’ils ont perdus leurs choses, mais ils souffrent plus parce qu’ils ne savent pas comment ils vont faire pour recommencer leurs vies. Il se dirige au Vasto Verde, mais le terrain est vide. Il ne voit personne là-bas. Il pense à son entraineur, il imagine qu’il a perdu sa maison. Il prend le chemin de son école mais elle est fermée. L’inondation n’est pas arrivée là, l’école est sauve. Ses amis ne sont pas là non plus. Peut-être qu’ils sont chez eux et qu’ils aident leurs familles à sauvegarder les maisons. Alors, ils marchent, sans destin. Il connait bien Le Jaracumbah et peut éviter les rues qui sont inondées. Il y en a quelques-unes. Il les prend, en avançant lentement parce qu’il a du temps. Il pense aussi a tous – la maman, le papa, les frères, les soeurs. Il pense à Zilá aussi, beaucoup. Quand il s’en rend compte, il fait déjà nuit et il se dirige vers sa maison.
« Qu’est-ce qui s’est passé, Benoît ?,» lui dit Zilá, venant à sa rencontre, en colère.
« Pourquoi ? »
« Je t’ai cherché partout, mais je ne t’ai pas trouvé.»
« Je suis arrivé, maintenant. »
« Ta mère m’a vaincue à nouveau. »
« Qu’est-ce qu’elle a fait ? »
« Viens et regarde toi-même. »
Benoît ouvre la porte et ils sont tous dedans, agenouillés devant une grande image de Notre-Dame d’Aparecida. Ils prient pour que la Vierge d’Aparecida les protège contre tous des maux de eaux du fleuve Jaracumbah. Sa maman commande leur dévotion avec la concentration de la dévote à la Sainte la plus consciente.

(31/10/07)
« Tu joues au foot ? » Lui demande le séminariste qui semble être l’organisateur du match.
« Oui, » répond Benoît.
« Bien ? »
« Non, mal. »
« Comment c‘est possible ? Tu es noir. »
« Un petit noir qui ne joue pas bien. »
C’est le premier jour de Benoit au séminaire et on l’invite à jouer. Le terrain est petit, sans pelouse. Il regarde les autres enfants qui sont déjà prêts à commencer le match. Mais il ne pense à eux. Sa pensée se tourne vers la vie qu’il a laissée au Jaracumbah. C’est comme un film qui passe devant lui, le film de sa vie passée. Il voit sa famille, ses amis, son entraineur. Il était dans une vie différente de tout ce qu’elle lui présente maintenant. Les gens sont différents et inconnus: les jeunes sont très agités avec leurs accents et leurs paroles qu’il a du mal à comprendre; les adultes sont vêtus d’une robe qu’on ne peut pas dire qui est feminine. Il pense à Zilá et tout cela est drôle parce qu’il l’imagine dans cette robe rudimentaire, lourde, qui n’apporte aucune joie.
« Benoît, viens, tu vas jouer, viens vite, vite. »
Ces sont les mots de l’organisateur qui le fait sortir de sa pensée. Il entre dans le terrain. L’organisateur se positionne au milieu du terrain et parle avec un autre séminariste et les deux décident quelle équipe va commencer. Il attend la décision sans rien dire, sans parler avec personne et sans que personne ne lui adresse pas un seul mot. Tous les regards sont dirigés aux deux joueurs qui décident les règles du match. Pendant qu’il attend il se promet à lui-même qu’il va faire de son mieux. Il va faire son meilleur jeu, pas pour lui ou pour les jeunes avec qui il va vivre toute l’année, mais pour sa mère, son entraineur et Zilá.
« Ils ont gagné le droit de décision et ont décidé de commencer. Nous restons de ce côté du terrain, » explique l’organisateur du match aux autres joueurs qui l’entourent.
Quand le match commence Benoît a le sentiment que le foot sera le chemin qui va lui donner quelques moments de joie dans sa nouvelle vie. Il joue avec ce sentiment dans son coeur. La balle qu’on lui passe, la balle qu’il leur passe, les dribbles qu’il donne aux adversaires, ses feintes qui laissent les joueurs amis et les contre sans comprendre ce qui se passe sur le terrain, il fait tout cela le bonheur au coeur, dont une partie est là et l’ autre voyage au Jaracumbah pour rencontrer sa vie passée.
« Sans toi nous serions tous battus, sans aucun doute, » le remercie l’organisateur du match et capitaine de son équipe. »
Le premier jour de Benoît au séminaire a été un succès. Au réfectoire, pendant le dîner les commentaires sur sa performance et la beauté de son foot n’arrêtent pas. Pendant qu’il mange, sans les regarder directement, il sent qu’on parle de lui. Il est le sujet de leurs regards, leurs mains, leurs pensées, leurs désirs. Mais Benoît ne semble pas être là. Son excitation se tourne vers Zilá, la famille et l’entraineur du Vasto Verde. Tous les joueurs aimeraient faire ce qu’il a fait pendant le match.
Après les prières dans la chapelle, les séminaristes ont quelque temps pour bavarder avant de dormir. Ils marchent dans les couloirs. Quelques-uns vont à la bibliothèque, d’autres qui portent leurs livres préférés. Il y en a aussi quelques-uns qui restent dans la salle de récréation où ils jouent aux cartes, au ping-pong, ou écoutent des chansons ou des actualités dans une petite et vieille radio. Il y a encore ceux qui parlent avec Benoît.
«Comment tu fais tout-cela ? »
« Faire quoi ?
« Les dribbles, les feintes, les buts merveilleux. »
« Je ne sais pas, je les fais seulement. »
« C’est sont habilité. Il est comme Pelé, » leur dit l’organisateur du match. « Un Pelé, on ne l’explique pas on l’admire, on le... ». Le bruit de pas lourds sur le sol de bois interrompt le jeune séminariste. «Dis-nous, Frère Gottmann, il joue comme Pelé, n’est-ce pas ? »
« Oui, vraiment, il joue bien, c’est le don que notre bon Dieu lui a donné,» leur dit le frère. Il s’adresse à Benoît. « Mon petit, la vie franciscaine n’est pas seulement le foot, la joie et le succès du foot. La vie franciscaine c’est plus que tout cela. c’est une vie de sacrifice et de pénitence dans laquelle on offre notre corps à Dieu, pas au monde, jamais. »
« Oui, je le sais, tout-ce que vous m’avez dit je l’ai appris avec Frère Liebermann au Jaracumbah, là où j’habite. »
« C’est là que tu as appris à jouer au foot?»
« Oui, je jouais tous les jours avant de connaitre la vie de Saint François. Frère Liebermann m’a parlé beaucoup du Saint, de sa vie, son sermon, son amour pour les oiseaux et sa diligente dédication aux pauvres.»
« On peut voir, Benoît, que tu es un bon joueur et un bon franciscain aussi,» lui dit l’organisateur du match.
« Maintenant, au dortoir, » leur ordonne le Frère.

(21/11/07)
Premièrement une clarté lui violente les yeux, l’empêchant de les ouvrir. Après, Benoît écoute un tapement fort, suivi de mots étranges :
«Ave, Maria! » Dits par une voix forte qu’il ne reconnaît pas, venant de la porte du dortoir.
« Gracia Plena ! » Dits ensemble par tous les séminaristes.
Immédiatement Benoît se lève et s’agenouille parce qu’il pense qu’il s’agit d’une prière collective. Mais il s’apperçoit de son erreur seulement quand le bruit de pas pressés lui fait lever la tête et voire que tous les étudiants se mettent à courir vers la porte, en portant leurs draps de bain, leurs dentrifices et leurs brosses à dents et leurs peignes. Frère Gottmann doit sortir du chémin pour les laisser passer. Sans savoir ce qu’il doit faire Benoit suit le mouvement des autres, sans rien dire ou sans leur demander ce que se passe. Il sort du dortoir et entre dans la salle de bains. La salle est grande, mais il ne peut rien faire parce que toutes les douches et lavabos sont occupés. Il attend, mais ne sait pas combien de temps il va attendre. Par prudence, il décide de ne pas prendre une douche et quand un lavabo est vide il commence à faire sa toilette. Il lave son visage, brosse ses dents et peigne ses cheveux. C’est le pire à faire. Ses cheveux sont durs, ne lui permettant pas de faire passer le peigne dans cette forêt noire impénétrable qu’il voit sur sa tête dans le miroir. Il sait que les cheveux vont lui prendre beaucoup de temps. Par prudence, il les arrange avec les mains mouillées et quitte le lavabos, donnant la place aux autres qui attendent.
Benoît rentre dans le dortoir. Il voit que beaucoup de séminaristes sont déjà prêts, complètement habillés. Benoît ne sait pas quel est le prochain pas qu’ils vont prendre. Il prend sa meilleure chemise et un pantalon et se dirige vers les paravents. Il en voit un qui est libre et entre. Il sort quelques minutes après, tout prêt, et revient à son lit. Il met ses chaussettes et ses chaussures. Il fait son lit aussi, en imitant les autres. Alors, il lui semble que tout est prêt. Et maintenant, qu’est-ce qu’on fait. Il ne sait pas quel prochain pas il doit prendre. Il voit des séminaristes qui attendent, et d’autres qui s’en vont. Encore une fois, par prudence, il attend. Après quelque temps il s’inquiète. Il faut faire quelque chose. Il ne veut pas rester, il ne veut pas sortir non plus.
«Qu’est-ce qu’on fait maitenant ?» Après quelques minutes d’hésitation, Il se dirige au compagnon qui lit sa Bible calmement sur son lit.
« Je ne sais pas. Qu’est-ce que tu veux faire ? »
« Je ne sais pas. Quelles sont mes options? »
« Tu en as deux ? »
« Deux ?
« Oui, rester ici et attendre jusqu’à sept heure et demie, ou attendre dans la salle d’études »
« Et après ? »
« À sept heure et demie on va avoir la messe, la première du jour. Après la messe on va directement au réfectoire pour le petit-déjeuner. »
C’est ainsi que Benoît doit se comporter jusqu’à huit heure et demie. Ainsi seront tous les matins, dorénavant, pendant toute l’année. Le frère Gottmann viendra à six heures, exactemente, allumera la lumière, tapera fortement et dira d’une voix sévère:
«Ave Maria!»
Et tous lui répondront à l’unisson :
« Gracia Plena ! »
« Qu’est que le frère a dit, » demande Benoît au compagnon.
« Qu’est-ce que tu veut dire ? »
« Après avoir allumé la lumière et tapé, je ne comprends pas ce qu’il dit. »
« C’est du Latin, une prière en Latin. »
« Il dit ‘Je vous salue, Marie’ et nous répondons ‘Pleine de Grâce’ »
« C’est tout ?»
« Tu vas t’habutier à cela. »
Quelques minutes après Benoît se dirige à la salle d’études pour la connaître. Elle est grande avec des chaises bien rangées en trois files. Beaucoup de chaises sont occupées par des élèves. Benoît se dirige à la chaise vide près de l’entrée. Il s’asseoit. Il s’aperçoit qu’il ne s’agit pas d’une simple chaise. Il ouvre la partie supérieure de la chaise et voit qu’elle est un petit bureau où on peut guarder des cahiers, des livres et d’autres choses nécessaires aux études. Il ferme le pupitre et lève sa tête. Devant lui il voit trois autres choses: une table avec une chaise au centre de la salle. Au mur il y a un tableau noir. Au coin droit du tableau il voit une frase qu’il ne sait pas lire. Il ne sait pas non plus qu’il s’agit d’une frase en Latin. ‘Sic transit gloria mundi.’ C’est la frase qu’il voit dont la signification il ne connait pas encore. Une tribune du côté gauche de la salle, c’est la troisième chose qu’il voit. Il sait qu’il s’agit d’une tribune parce qu’il y en avait une pareille dans son école à Jaracumbah. Quelquefois la directrice l’occupait pour s’adresser aux étudiants, dans les occasions les plus solennelles, comme le 13 Mai.
« À la messe, tous, vite, vite, » un des séminaristes rentre dans la salle, en appelant tous au culte religieux. Benoît suit les autres à la chapelle.

(12/12/07)
« D’où tu viens ? » Lui demande Hermann.
« De Jaracumbah? »
« Jaracumbah ? Ta vie sera courte ici, pas bon pour la vie religieuse. »
« Pourquoi ?»
« Tu vas le découvrir, toi-même. Tout le monde va te faire sentir que tu n’appartiens pas a ce monde. »
« Pourquoi ? »
« Ne t’inquiète pas de tout ce que je t’ai dit. Oublie tout. Je parle trop. Alors, je suis Hermann. »
« Je sais, tout le monde te respecte ici. »
La conversation se passe dans le réfectoire après la messe. Les mots de son camarade à la table lui sonnent comme une malédiction dont il n’arrive pas saisir le sens pendant qu’il prend son premier petit-déjeuner loin de sa famille et de son Jaracumbah. Il aura du temps pour la connaître et pour soufrir sa maudite conséquence. À ce moment-là, ce que son camarade lui a dit n’est qu’une curiosité, comme toutes les autres curiosités qu’il décrouvre dans les premiers mois. Sa vie est pleine de grâce comme la prière qu’il répète tous les matins, dans le dortoir, au tapement du Frère Gottmann et à son salut matinal: Je vous salue, Marie. Pleine de grâce.
«Alors, comment tu te sens aujourd’hui ? » Lui demande le médecin qui est à côté de son lit.
« Où suis-je ? Qu’est-ce que je fais ici ? »
«Pas difficile de te répondre. Alors, mon enfant, calme-toi. Tu es tombé malade, on t’a amené à l’hôpital. C’est tout. Je suis ton médecin, Mr. Liebermann. Bonjour, Benoît.
« Bonjour, Monsieur Liebermann. Qu’est-ce qui s’est passé avec moi ? »
« De la grippe avec de la fièvre. »
« Je ne me sens plus malade. »
« Je sais, tout va bien maintenant, le médicament a fait de l’effect.»
« Je sors quand ? »
« On attend Frère Gottmann qui va venir pour te ramener au séminaire. »
Benoît ne sait pas comment il était tombé malade. Durant des jours, il ne se sentait pas bien. Les études ne l’attiraient pas, les classes de langues ne le satisfaisaient pas, la nourriture ne lui plaisait pas. Il marchait dans les longs couloirs, mais sa flaibesse l’empêchait de courir ou de presser le pas. Il ne dormait pas bien. Tout était si difficile qu’il pensait que la malédiction que Herman lui avait jéter avait déjà commencer à l’affecter
La rentrée au séminaire c’est comme sa rentrée au paradis. Dans le jeep, Hermann l’accompagne avec le chauffeur.
« Demain c’est demanche, et on a un match l’après-midi, » lui dit Hermann.
« Un match ? »
« Oui, tu veux jouer ? »
« Je ne crois pas.
Benoît ne prête pas beaucodup d’attention à ce que Hermann lui a dit. Son intérêt, il le dirige vers le chemin que la voiture parcourt. C’est une route qu’il ne connait pas. Il voit les maisons et il se demande si quelqu’un est malade et doit rester au le lit ou si quelqu’un de la famille va l’amener à l’hôpital. Il y a aussi des petites filles qui marchent dans la rue. Elles dirigent leurs grands yeux vers le jeep parce qu’elles savent qu’à l’interieur de la voiture se trouvent les garçon qu’elles regardent avec convoitise.
« Celles-là sont la malédiction la plus dangereuse à la vie religieuse, » lui dit Hermann, se rendant compte du regard de convoitise de son ami vers les jeunes filles qui marchent dans la rue.
«Qu’est-ce que tu veux dire ? »
« Que venir de Jaracumbah, c’est mal, mais se laisser attirer par elles, c’est pire. »
« Respecte ma maladie. »
« Tu es déjà bon. Le médecin m’a dit que ta santé ne court aucun risque. »
« Elles ne m’attirent pas.
« Pas de problème, je te comprends. »
« Je jure, je les comparait avec Zilá. »
« Qui est Zila ? »
« C’est un secret. Pardone-moi. Tu es mon meilleur ami, mais je ne veux parler de cela avec personne. »
« Elle était ta copine ? »
« Arrête, Hermann. »
Hermann n’insiste pas, et le parcours est fait en silence. Le chauffeur conduit la voiture avec un sérieux pareil à celui que Frère Gottmann montre quand il fait la messe.
« Alors, Benoît, ils t’ont bien traité à l’hôpital, les médecins et les infirmières ? » C’est Frère Gottmann qui le reçoit à l’entrée principale du séminaire. Benoît se laisse conduire, sans savoir si on si l’amene au bonheur ou à la malédiction.

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